Le football est communément appelé le « beau jeu », souvent en reconnaissance du sport comme une forme d’art. À l’instar de l’art, le football est parfois considéré comme le reflet de la vie et de la société dans son ensemble. Malheureusement, on observe bien souvent la triste réalité de ce reflet dans la prévalence de la discrimination raciale, que ce soit sur ou en dehors du terrain. Malgré les efforts des parties prenantes pour lutter contre la discrimination dans le football, les comportements racistes persistent.
Les récents événements, mouvements et déchaînements mondiaux dans toutes les sphères de la vie, y compris dans le football, ont impulsé des études plus approfondies sur l’importance de la race dans le monde. C’est dans cette perspective qu’a été commandé un projet de recherche mené sur quatre années en collaboration avec la FIFPRO, Fare, l’Université Erasmus et l’UEFA. Présidé par le Prof.dr. Jacco van Sterkenburg, ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre de la Chaire sur la race, l’inclusion et la communication au sein de l’École Erasmus d’histoire, de culture et de communication. Ce projet de recherche vise à associer la recherche empirique au racisme et à l’inclusion tout en gardant les préoccupations liées au football et aux politiques au premier plan de l’étude.
L’Europe étant largement reconnue comme étant le continent phare du football mondial, il est placé au centre de cette étude. L’avance de l’Europe dans la construction d’infrastructures, la professionnalisation du sport, le développement de la culture des talents et la réalisation des plus grandes audiences mondiales, a contribué à maintenir sa position de plaque tournante culturelle et financière du football. Bien que l’ensemble de la culture footballistique soit composée d’une communauté internationale, le football européen occupe une position influente unique dans le secteur et représente donc un point d’étude important, en particulier en ce qui a trait à la discrimination raciale.
Cette position vénérée dans le secteur attire des fans et des joueurs de football du monde entier, issus d’horizons divers et variés, ce qui en fait un site social important dans lequel les différences perçues peuvent être célébrées ou utilisées comme un outil générateur de discordes. Un exemple en est la façon dont l’environnement footballistique peut être aussi bien un lieu d’une impressionnante unité qu’un lieu d’une incroyable cruauté relevant de la discrimination ou des préjugés.
Tandis que le langage autour de la race dans le football évolue, la littérature a montré une réticence de la sphère footballistique à reconnaître la discrimination raciale comme systémique ou comme étant le symptôme d’un problème plus vaste dans la culture footballistique. Sous l’apparence d’équipes de football diversifiées, le sport est souvent considéré comme faisant preuve de daltonisme racial ou de méritocratie, suggérant alors que le succès des joueurs et des dirigeants du secteur est purement basé sur le mérite. Mais certaines études contredisent ces perceptions et illustrent la façon dont le perfectionnement professionnel ou la mobilité des joueurs et dirigeants non blancs est souvent compromis.
Par exemple, les conclusions du rapport 2022 sur l’indice des organes directeurs, soutenu par le réseau Fare, ont révélé que dans le football européen, plus de 80 % des postes de direction étaient principalement occupés par des hommes blancs, tandis que moins de 4 % de ces postes l’étaient par des hommes et des femmes non blancs. Ces statistiques offrent des mesures sur l’état de la diversité dans les instances dirigeantes du football, mais elles ne fournissent que très peu d’informations sur les pratiques susceptibles de favoriser ces mécanismes d’exclusion. En outre, ces chiffres n’expliquent pas suffisamment la façon dont les obstacles, que ce soit dans les procédures de recrutement ou dans la culture organisationnelle, affectent les expériences vécues par les joueurs et les dirigeants du football dans les espaces footballistiques. Telle est la lacune que ce projet de recherche vise à combler.
Compte tenu de la nature complexe du racisme et de l’inclusion sociale dans le football, cette étude se penche sur les origines et le rôle de la race dans divers aspects de la sphère footballistique. L’étude du poids de la race dans les contextes du football permet d’identifier des mécanismes d’inclusion et d’exclusion. Comme mentionné précédemment, les mécanismes font référence aux systèmes, conditions, environnements ou comportements qui favorisent ou soutiennent un comportement d’exclusion et d’inclusion basé sur la race ainsi que sur ses intersections avec le sexe, l’orientation sexuelle, la religion et d’autres dimensions pertinentes.
En pratique, cette recherche tente de répondre à diverses questions, et notamment : pourquoi constate-t-on une différence entre la représentation diversifiée sur un terrain de football et l’homogénéité raciale et de genre dans les instances dirigeantes du football ? En Europe, sous quelle forme la discrimination raciale se matérialise-t-elle dans les stades de football, les clubs et les réseaux sociaux et pour quelles raisons ? Quel est l’impact de la discrimination raciale sur les différentes parties prenantes, par exemple, sur les joueurs de football ? L’étude porte en priorité sur les raisons pour lesquelles la culture footballistique fait du football un environnement propice au racisme.
La recherche suggère que, quelle que soit la culture, tout comportement positif ou négatif n’est pas un phénomène isolé de tout contexte. Dans les environnements sociaux, les schémas établis agissent comme des modèles de comportement. Reconnaissant que la culture footballistique implique un large éventail de parties prenantes, le projet de recherche se penche sur les questions de race dans divers domaines de l’écosystème footballistique. Le projet sera divisé en sous-projets qui constitueront des études ciblées autour des thématiques suivantes, représentatives de cet écosystème footballistique :
- Expériences vécues par les joueurs, les entraîneurs, les arbitres et les supporters.
- Médias, communication et campagnes (campagnes contre le racisme et le racisme en ligne).
- Industrie du football (dirigeants/structures dirigeantes du football).
- Football populaire.
Comprendre le rôle de la race dans ces différents domaines de l’écosystème footballistique peut fournir des informations susceptibles de contribuer à rendre les espaces plus sûrs pour l’ensemble des parties prenantes, en particulier les groupes marginalisés.
Toutes les personnes impliquées dans le projet reconnaissent la nature complexe du racisme dans le football. Cependant, le projet vise à produire des connaissances qui contribueront à faire du football un sport plus inclusif pour tous ceux qui aiment le « beau jeu ». Peut-être qu’à l’instar de l’art, le football pourrait s’apparenter à ce que la société et la vie pourraient être, et pas uniquement à ce qu’elles sont déjà.
À propos
Palesa Mashigo et Jacco van Sterkenburg
Palesa Mashigo est une productrice de nouvelles devenue universitaire. Elle travaille actuellement comme chercheuse et chargée de cours au département des médias et de la communication de l'université Erasmus. Elle est candidate au doctorat dans le cadre d'un projet de recherche sur la race, le racisme et l'inclusion dans le football professionnel européen. Ce projet est le fruit d'une collaboration entre l'université Erasmus, le réseau FARE, la FIFPRO et l'UEFA. Palesa est titulaire d'un master en médias, culture et société de l'université Erasmus. Elle a obtenu une licence en journalisme (BJourn) à l'université de Rhodes en Afrique du Sud, où elle s'est spécialisée dans la télédiffusion. Jacco van Sterkenburg est professeur titulaire de la chaire "Race, inclusion et communication, en particulier en ce qui concerne le football et les médias" à l'université Erasmus de Rotterdam, aux Pays-Bas. Sa chaire est soutenue par les principaux partenaires internationaux du football, Fare, UEFA et FIFPRO. Il a publié de nombreux ouvrages sur la "race", l'ethnicité, le racisme et d'autres formes de discrimination dans le football, en se concentrant plus particulièrement sur le football médiatisé et sur l'entraînement et le leadership dans le domaine du football.