- Lors des Jeux olympiques de 2020, Stephanie Labbé a réalisé son rêve : remporter l'or avec l'équipe du Canada. Mais ce voyage a eu de graves répercussions sur sa santé mentale.
- La gardienne du Paris Saint-Germain, âgée de 34 ans, a souffert de crises de panique tout au long du tournoi, ce qui l'a épuisée émotionnellement et mentalement.
- Aujourd'hui, Stephanie milite pour que tous les joueurs aient accès aux outils leur permettant de s'occuper de leur bien-être mental, sur le terrain comme en dehors.
« Lorsque je suis montée sur le podium pour recevoir la médaille de bronze avec le Canada aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, je débordais de fierté ; toute l'anticipation et le travail acharné avaient porté leurs fruits et j'avais hâte de rentrer à la maison et de partager ma réussite avec autant de personnes que possible.
Mais lorsque tout le monde s'est mis à réclamer la médaille et à parler de cette expérience, j'ai commencé à ressentir un vide intérieur. C'était comme si ce bout de métal valait plus que moi en tant qu'être humain, et je pense que je me suis retrouvée dans une spirale. Sans compétition immédiate dans un avenir proche, je sentais ma motivation retomber. Au fil du temps, j'ai appris à trouver un équilibre dans ma tête entre ce que j'avais accompli et ce que je valais, et j'en suis venue à apprécier de nouveau ma médaille - surtout quand je pense à l'effort physique et mental que j'ai fourni pour arriver à ce stade de ma carrière.
En 2012, j'ai arrêté le football au niveau international, et aujourd'hui - en regardant en arrière, comme quelqu'un qui a réalisé ses rêves en remportant non seulement une médaille de bronze mais aussi une médaille d'or, si je pouvais communiquer avec le moi d'il y a neuf ans, je lui dirais qu'elle prend absolument la bonne décision.
Dès que je me suis engagée à faire cette pause, j'ai ressenti un immense soulagement d'avoir pu choisir de me retirer d'un environnement qui n'était pas sain pour mon état mental. J'avais laissé des facteurs externes influencer ma confiance en moi et mon épanouissement personnel, et j'avais besoin de m'éloigner de l'équipe nationale pour trouver ces éléments en moi. Bien sûr, j'ai eu du mal à voir les filles remporter la médaille de bronze historique aux Jeux olympiques de Londres cette année-là, car je savais que j'avais laissé passer ma chance de participer à cette expérience, mais en même temps, je savais que si j'étais là, je ne pourrais pas profiter de ce moment.
Faire passer sa propre santé mentale avant la compétition était une préoccupation particulièrement répandue lors de Tokyo 2020, comme l'ont souligné Simone Biles et Naomi Osaka. J'ai sympathisé avec elles, car je sais personnellement qu'en fin de compte, santé mentale et santé physique sont étroitement liées. Le problème tient au fait qu'un éventuel problème de santé mentale peut être beaucoup plus difficile à déceler et à exprimer.
À Tokyo, j'ai souffert d'une blessure douloureuse lors du premier match, et j'ai fait des allers-retours à l'hôpital pour passer des tests, essayer d'évaluer les dégâts et savoir si je pouvais encore jouer ou non - mais à l'intérieur de moi, une lutte totalement différente se dessinait. Une fois qu'il est apparu clairement que le jeu n'entraînerait pas de lésions supplémentaires, nous avons décidé qu'il était physiquement possible de revenir sur le terrain, malgré la douleur considérable que je devais endurer.
Qui aurait pensé que cette blessure allait réveiller une vulnérabilité sous-jacente dans mon état mental ? Mon adrénaline était si forte et mon système neuromusculaire si bien réglé que j'ai eu du mal à me calmer entre les matchs, ce qui a entraîné des niveaux élevés d'anxiété et de multiples crises de panique. J'en suis arrivée au point où je n'ai pas pu m'entraîner entre les quarts et la finale, tellement j'étais surstimulée.
Je savais qu'il ne s'agissait pas d'anxiété de performance - j'avais totalement confiance en mes capacités et les nerfs n'étaient pas un problème le jour du match. Avec le recul, je me rends compte qu'il s'agissait d'une accumulation de tout ce que j'avais vécu l'année précédente - la pandémie, le changement d'entraîneur, le manque de clarté quant à ma position dans l'équipe - la participation aux Jeux olympiques n'allait pas y remédier comme par magie.
Lorsque le coup de sifflet final a retenti et que nous avons remporté l'or, je m'attendais à un soulagement immense, mais non, rien... J'avais beau vouloir me détendre et faire la fête avec mes coéquipières, je n'arrivais pas à redescendre de cet état d'éveil, et j'ai passé les 48 heures qui ont suivi la finale allongée dans une pièce sombre.
C'était presque le contraire de ce que j'avais vécu avec ma médaille de bronze à Rio. Au lieu de laisser la médaille me définir, je me suis sentie complètement dissociée de mon exploit. Je n'arrivais pas à gérer les milliers de messages de félicitations, les demandes des médias ou l'impact futur que notre réussite allait avoir dans mon pays. Ce n'est que maintenant, après une pause et près d'un mois après l'événement, que je peux récupérer la médaille et m'en sentir fière.
Une maladie mentale, c'est si difficile à définir. Il ne s'agit pas d'un diagnostic général auquel tout le monde peut se référer, et une même personne peut avoir deux expériences complètement différentes de la maladie. C'est pourquoi des initiatives comme « Prêt(e) à en parler ? » (Are You Ready To Talk?) de la FIFPRO sont si importantes : elles donnent aux joueurs les outils et les ressources nécessaires pour faire face aux défis mentaux qu'ils peuvent rencontrer au cours de leur carrière.
On a parfois l'impression que notre santé mentale est directement liée à nos performances sur le terrain, et même si je comprends que c'est un facteur, ce n'est pas tout. Après avoir soulevé le trophée, et une fois que les supporters ont cessé d'applaudir, un joueur peut se sentir complètement démuni. C'est à ce moment-là que nous avons le plus besoin de soutien, que nous sommes de simples êtres humains. »