Brendan Hines-Ike joue pour le DC United. Le défenseur de 28 ans parle des graves blessures qu’il a subies coup sur coup et qui menaçaient de mettre un point final à sa carrière.
Par Brendan Hines-Ike
Dans le football, rien n’arrive par hasard. Que ce soit la pire ou la meilleure chose qui soit, rien n’arrive par hasard.
Mes trois années au KV Kortrijk de Courtrai en Belgique m’ont paru être une expérience de vie à part entière. J’ai vécu un début de conte de fées et une fin cauchemardesque. J’étais la signature la plus chère de l’histoire du club, je jouais tous les matchs et je me débrouillais bien. Puis l’entraîneur a été licencié.
Tout a changé et j’ai perdu ma place dans l’équipe. Je ne m’étais jamais retrouvé dans une telle situation auparavant. J’avais joué pratiquement chaque minute à l’université, et pareil en Suède.
Quand vous ne jouez pas pendant trois mois, ça vous paraît une éternité. Vous commencez à paniquer : je perds trop de temps, je dois retrouver ma place dans l’équipe. J’analysais sans cesse les points positifs et négatifs : l’entraîneur ne m’aime pas, le club ne veut pas de moi ; mais le club a payé des frais de transfert record, donc il est évident qu’ils me veulent.
J’en parlais avec ma femme, mes parents et mon agent, mais ils ne savaient pas ce que c’était que de se retrouver chaque jour dans ce vestiaire. Et les joueurs européens ne sont pas là pour vous aider : là-bas, ils sont sans merci.
Je me parlais beaucoup à moi-même et le diable gagnait souvent. Je ne m’entraînais plus correctement ; j’essayais de montrer que je ne voulais plus être là. Je me disais, « si c’est à ça que va se résumer ma carrière de footballeur, alors je ne veux plus jouer ». C’était difficile.
Puis, tout à coup, le DC United m’a voulu. L’entraîneur m’a appelé le jour où nous avons appris que nous attendions notre fille. Ça ne pouvait pas mieux tomber ; c’était peut-être ma deuxième chance, parce que je voyais tout en noir depuis un moment.
Le DC United a été un changement rafraîchissant. J’étais sur mon petit nuage, je jouais bien. J’étais vraiment heureux. Et puis, bang ! Je me suis cassé la hanche gauche lors d’un match que nous étions en train de gagner 7 contre 1. Vous pouvez y croire ?
J’ai eu une grave fracture de la hanche et le club a fixé une intervention chirurgicale. Mais de mon côté, j’avais fait des recherches et parlé à 13 médecins différents. Un jour avant l’opération, j’ai reçu un appel d’un spécialiste réputé. Il m’a dit : « S’il vous plaît, dites-moi que vous ne vous êtes pas fait opérer. Annulez l’intervention ! » Et c’est exactement ce que j’ai fait. Si j’avais subi cette intervention, j’aurais pu dire adieu à ma carrière. Finalement, je n’ai été absent des terrains que quatre mois, qui m’ont certes semblé une éternité, mais j’ai fini par revenir à la fin de la saison et je me sentais bien.
La saison suivante, j’ai commencé les six premiers matchs. J’étais en train de reprendre mes marques… et puis l’entraîneur a été viré. Ça a été un coup dur.
C’est à ce moment-là que Wayne Rooney a intégré l’équipe en tant que nouvel entraîneur. J’avais l’impression que c’était une chance incroyable ; j’ai ressenti un regain de confiance et je jouais à nouveau bien.
Mais ensuite, pendant un match, j’ai fait un pas en arrière, mon pied s’est coincé, et un ligament au milieu du pied, le Lisfranc, s’est rompu. Un des formateurs a déclaré : « Votre blessure à la hanche était l’une des plus rares que j’ai vues dans le sport, mais ce que vous avez maintenant est peut-être encore plus rare. Je pense que c’est vraiment mauvais. »
J’ai lu qu’une majorité, sinon tous les athlètes, qui souffrent de cette blessure, finissent par mettre fin à leur carrière. Je n’arrivais pas à croire que je devais revivre tout cela, encore quatre longs mois en dehors du terrain. J’étais loin de me douter que ça finirait par durer 10 mois.
J’ai trouvé un médecin qui est considéré comme le meilleur dans ce domaine. Il m’a dit : « Je vais vous arranger ça ». « Je vais mettre une vis au milieu de votre pied, elle y restera pour toujours, il y aura une période de récupération, mais je ne peux pas vous garantir que vous rejouerez. J’ai des gars à la NFL chez qui la douleur est toujours là. »
La récupération a été vraiment difficile. Chaque jour, vous arrivez, vous faites exactement la même chose pendant cinq heures, puis vous rentrez chez vous.
À la maison, c’était impensable pour moi de rester assis sur le canapé à ne rien faire. Nous avions un enfant d’un an qui mettait une sacrée pagaille, tandis que ma femme essayait de s’occuper de tout le reste. En tant que mari et que père, je me devais de l’aider, d’autant plus que ma femme, sans oublier mes parents, m’a beaucoup encouragé à garder ma motivation malgré mes blessures. Mais chaque fois que je marchais, j’avais mal. Ça vous monte à la tête : j’ai 28 ans, je veux courir dans le parc avec ma fille et me promener avec ma femme, mais je ne peux pas. Le soir venu, je rampais jusqu’à la chambre. Vous commencez à penser, « est-ce que je vais vraiment rejouer un jour ? »
Pendant la récupération, j’ai pris chaque jour comme il venait, au lieu de me fixer des objectifs irréalisables. C’était mieux pour mon mental, comme ça, je n’avais aucune attente.
Après six mois, nous avons eu un camp d’entraînement en Californie. J’avais rechaussé mes crampons et je commençais à bouger un peu : je courrais, je faisais des passes, mais la douleur était immense. J’ai dit au kiné : « Ça n’est pas possible, je me sens moins bien qu’il y a six mois. Je ne peux pas continuer avec cette douleur. Pourquoi on ne me retire pas la vis ? »
J’avais lu des histoires de gars à qui ont avait retiré la vis, et ça avait marché. Mais le médecin était contre.
Notre kiné connaissait un ancien kiné en chef à Liverpool qui nous avait dit qu’il fallait retirer la vis, que les footballeurs qui gardent la vis ne seront plus jamais eux-mêmes. Le spécialiste m’a prévenu que s’il me retirait la vis et que j’avais encore mal au pied, il ne pourrait pas en remettre une autre. Mais j’ai décidé de la retirer. Personne d’autre ne pouvait prendre cette décision à ma place. Le lendemain, j’ai pris un avion pour la faire retirer.
Quand j’ai commencé à courir, ça faisait très mal. Mais c’était une autre sorte de douleur. C’était un soulagement. D’accord, ça va être dur, mais je vais faire avec. Et après presque deux mois, je suis allé me promener après l’entraînement et je me suis à nouveau senti comme une personne normale. C’était surréaliste.
Quand j’ai réintégré l’équipe, je me souviens m’être assis sur le banc et m’être dit « pitié, ne me faites pas rentrer ». Je me rappelle m’être échauffé et avoir pensé que mon pied n’était pas prêt. Je ne sais pas si c’était mon pied qui n’était pas prêt ou si tout ça était dans ma tête.
Mais après être resté assis pendant quatre, cinq matchs, j’ai commencé à penser : « pourquoi est-ce que je ne joue pas ? » Je me sentais prêt. C’est drôle comme votre état d’esprit peut changer.
Les moments les plus difficiles de ma carrière ont été ceux auxquels je repense avec le plus de fierté. Je ne suis pas un fervent adepte de l’idée de « faire confiance au processus ». Mais si vous commencez à vous projeter trop loin dans votre carrière et dans votre vie, vous commencez à vous imposer trop d’attentes inutiles. Au lieu de cela, vous devriez simplement faire ce que vous devez faire chaque jour et l’accomplir au mieux. Ces petites batailles que vous gagnez finissent par vous emmener beaucoup plus loin que vous ne l’auriez imaginé.
Un footballeur doit vraiment aimer tout ce qui touche au jeu. Tout ce que j’ai traversé, être expulsé d’un club, puis souffrir de blessures en cascade alors que j’approche la fin de ma carrière, si je n’aimais pas profondément le football, je n’aurais jamais mis autant d’énergie à revenir.
Si un jour je n’ai plus cette motivation, je m’arrêterai sur le champ. Je rendrai toujours hommage au jeu et le respecterai, car vous pouvez tout perdre en un claquement de doigts.
Je pourrais parler indéfiniment de l’aspect mental de tout ce que j’ai vécu, mais je pense que ces trois choses sont la meilleure manière de décrire la façon dont je vois ma carrière et mon cheminement personnel. Je vais mettre à profit toutes ces leçons de vie que j’ai tirées dans ces moments difficiles dans la prochaine étape de ma vie.