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Juan Flores : « Nous avons été séparés sans voir que nous sommes le gagne-pain de nos familles »

L'histoire du joueur

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  • La Fédération guatémaltèque de football a imposé une limite d'âge pour les footballeurs professionnels

  • La deuxième catégorie ne peut compter que 3 joueurs de plus de 35 ans par club et la troisième catégorie a également subi des limitations

  • Flores, 36 ans, est l'une des personnes concernées : "J'ai été footballeur pendant 14 ans et maintenant je ne peux pas travailler à cause de mon âge

À la mi-juillet, plusieurs footballeurs guatémaltèques ont vu leur carrière prendre fin brutalement et de manière arbitraire. Ce qui devait être pour eux le début d'une nouvelle saison a abouti à une situation inédite : la fédération guatémaltèque a imposé une limite d'âge pour la pratique professionnelle.

À partir de la saison 2022-2023, a décidé que dans la Primera División (la deuxième catégorie locale), seuls 3 joueurs au maximum âgés de plus de 35 ans peuvent jouer, tandis que dans la Segunda (la troisième catégorie), la limite d'âge est de 27 ans, à l'exception de 3 joueurs jusqu'à 32 ans.

Cette mesure s'ajoute à une autre prise pour le début de la saison 2021-2022, un plafond salarial : en Primera División, le salaire mensuel maximum par joueur doit être de 10 000 quetzales (environ 1 300 euros).

Les deux situations combinées affectent les moyens de subsistance de familles entières et ont incité le SIFUPGUA, le syndicat guatémaltèque, à prendre des mesures, en invitant les joueurs à porter plainte auprès du bureau du médiateur des droits de l'homme « pour discrimination et pour violation des droits constitutionnels ».

Juan Flores, défenseur de 36 ans, était en stage de pré-saison avec son équipe, Sanarate, lorsque la mesure a été officiellement annoncée.

« Cette situation, autant dire que je revenais en arrière… Je suis footballeur depuis 14 ans et voilà que je ne pouvais plus travailler à cause de mon âge. Impossible de travailler. Nous sommes encore peu nombreux à être concernés mais ceci va avoir un effet domino. À l'avenir, de plus en plus de joueurs seront exclus chaque année ».

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Comment voyez-vous la situation ?

Juan Flores : On nous refuse le droit de travailler à cause d'une limite d'âge et pour nous, c'est de la discrimination. Au Guatemala, la constitution exige le droit à l'égalité, au travail sans distinction de genre, de sexe ou d'âge. Et pourtant ; dans le football, nous avons déjà été mis à l'écart et c'est injuste. Nous sommes dépendants du football, nos familles sont dépendantes du football. Nous avons simplement été mis à l'écart sans voir qu'au-delà du footballeur, il y a des parents, des enfants, des frères et sœurs. Nous sommes membres d'une société et nous avons de nombreuses responsabilités, nous sommes les soutiens de nos familles.

Pour quelle raison la Fédération a-t-elle pris cette mesure ?

Ils nous ont exclus parce que c'était leur bon vouloir, sans véritable fondement. En 2021, il y avait un plafond salarial. Nos revenus étaient alors déjà plafonnés. Aujourd'hui, on justifie soi-disant cette limitation en disant qu'il faut laisser la place à d'autres générations, donner plus d'opportunités aux jeunes. Mais mon fils aîné, qui a 17 ans, fait partie de l'équipe de jeunes d'un grand club ici au Guatemala, et il ne fait que s'entraîner. Ils n'organisent aucun tournoi pour ces catégories. Ils limitent l'âge mais sans aucun protocole, c'est contradictoire. Au Guatemala, un joueur est confirmé à 23 ou 24 ans parce qu'il n'y a pas de travail dans les équipes de base du football. Et voilà que désormais on ne peut plus jouer en troisième catégorie que jusqu'à 27 ans. C'est vraiment paradoxal.

Quel type de soutien obtenez-vous du syndicat ?

Ils nous accompagnent depuis toujours. Ils nous suivent, nous soutiennent et règlent nos réclamations. C'est notre seule arme réelle, concrète et solide, car si je dois me battre en tant que Juan Flores, je me retrouverai le bec dans l'eau. Le syndicat est cette force dont nous avons besoin, celle qui analyse toutes les situations pour voir de quelle manière elle peut formuler des revendications pour que ça change. Il paraît aussi que l'année prochaine, ils veulent abaisser encore la limite.

“Cette semaine, je commence à travailler comme chauffeur Uber, il faut bien que je gagne ma vie. J'ai trois enfants, je suis marié, j'ai un crédit sur le long terme pour ma maison.”

— de Juan Flores

Comment la situation vous affecte-t-elle personnellement ?

Cette semaine, je commence à travailler comme chauffeur Uber, il faut bien que je gagne ma vie. J'ai trois enfants, je suis marié, j'ai un crédit sur le long terme pour ma maison. Je participais à un championnat en tant qu'amateur et je touchais un peu d'argent mais je me suis blessé au genou et je ne peux plus disputer ces matches. Je suis une thérapie grâce au SIFUPGUA mais, évidemment, je n'ai plus d'assurance maladie. Si vous vous blessez alors que vous êtes dans un club, ce sont eux qui s'en occupent, ils vous versent votre salaire, il y a des traitements, une récupération, forcément plus rapide avec de meilleurs soins.

Êtes-vous optimiste et pensez-vous que le problème sera résolu ?

Je n'en suis pas si sûr. J'ai des espoirs mais je ne me fais pas d'illusions, ce n'est pas pour demain, du moins pas pour moi. Nous avons porté plainte il y a un mois et nous n'avons pas eu de réponse. Soit elle a été classée, soit elle est restée sans suite, n'est-ce pas ? Nous sommes souvent assez lents à agir. Peut- être que ce n'est pas du ressort des les pouvoirs publics ? Comme ils ne sont pas concernés, ils ne nous considèrent pas comme une partie active. Peut-être se disent-ils « Ce ne sont que des footballeurs » ? Et c'est pourquoi nous établissons des factures chaque fois que nous sommes payés, mais nous n'avons aucune pension ou aucun fonds de retraite des pouvoirs publics. (NDRL : au Guatemala, les footballeurs ne sont pas considérés comme des employés) Pour l'instant, je ne vois pas de solution, mais j'espère que l'aide que nous recevons du syndicat pourra aboutir à un résultat positif.