Gabon Protest 11 1100

Souleman Gamanba et d'autres joueurs gabonais attendent leur argent :  «Mais que fait la FIFA, qu’attend-elle pour réagir ? »

L'histoire du joueur

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  • Souleman Gamanba, 34 ans, joueur du FC Missile de Libreville, est devenu, sans le vouloir, l’une des figures majeures du mouvement de contestation qui, depuis bientôt deux semaines, pousse plusieurs dizaines de joueurs gabonais à « camper » devant le ministère des Sports. Leur revendication : le paiement des salaires impayés sur une période de trois ans pour la majorité d’entre eux 
  • Voilà quelques années déjà, face à l’inertie de la fédération gabonaise et au silence des instances politiques, Souleman, las de devoir se battre au quotidien pour exercer son métier de footballeur et de ne pas pouvoir en vivre, s’est reconverti d’abord en peintre en bâtiment, avant d’élargir sa palette d’activités, toujours dans le bâtiment. « Depuis que j’ai choisi cette voie, je touche régulièrement un salaire… Deux fois supérieur d’ailleurs à celui qui était le mien quand je jouais au football, enfin quand j’étais… payé ! » 
  • Décidé, comme l’ensemble de ses camarades, à aller jusqu’au bout pour récupérer son dû, tout autant que pour appeler au respect et à la dignité qu’il mérite, Souleman s’est confié à la FIFPRO. 

« Rien n’était prémédité, personne ne nous a poussé à agir comme nous avons décidé de le faire. Nous étions un certain nombre, réunis au siège de notre association nationale des footballeurs, l’ANFPG, pour discuter une fois encore de nos salaires impayés… Au même moment, notre fédération communique sur la prochaine reprise du championnat – à l’arrêt depuis mars 2020. Tout était déjà prévu, comme si de rien n’était… C’est cette annonce qui a agi comme déclencheur : comment pouvait-il être possible que nos dirigeants puissent décider ainsi d’un retour à la compétition alors que plusieurs centaines d’entre nous survivent à peine, que la précarité, chez les footballeurs gabonais, est la norme. 

« L’idée de se réunir devant le ministère des Sports, et d’y demeurer jour et nuit jusqu’au versement de nos salaires, a très vite rencontré l’adhésion du plus grand nombre. Nous avons réuni un peu d’argent et, sur la route, acheté des provisions. Nous savions que cette première nuit en appellerait d’autres…

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« Nous sommes au minimum 20, le week-end quand certains retournent auprès de leur famille, mais entre 60 et 70 le plus souvent. Il y a un turn-over qui se fait naturellement et le plus important, c’est que la motivation est forte… Nous savons que certains joueurs, menacés, n’osent pas nous rejoindre et, plutôt que de nous refreiner, ces pratiques tellement habituelles au Gabon nous encouragent. De même, les campagnes orchestrées contre nous dans les médias et sur les réseaux sociaux ne nous atteignent pas, même lorsqu’elles sont portées par des footballeurs comme nous. Nous ne sommes pas dupes, nous connaissons trop bien le système en place chez nous. 

« Je ne vais détailler tout ce qui ne fonctionne pas dans le football gabonais, cela prendrait trop de temps. Bien avant la crise sanitaire, notre football était en perdition et personne n’a voulu entendre les joueurs qui, à travers l’ANFPG notamment, ont tiré la sonnette d’alarme, proposé des solutions… Je préfère évoquer la dette envers les joueurs, ces arriérés de salaire depuis 2016.

En juin 2021, nous avions bon espoir. Devant la FIFA, la CAF, la FIFPRO et notre ministère des Sports, le président de la FEGAFOOT s’était engagé à couvrir cette dette. Mais il n’en a rien était. C’était trop beau pour être vrai, sans doute, mais que notre fédération ne respecte ni ses engagements ni les joueurs,

il n’y a rien d’étonnant à cela. Mais qu’elle se moque impunément d’un accord pris devant son ministère de tutelle, devant la CAF et devant la FIFA, c’est totalement incompréhensible pour nous. Et ce qui l’est tout autant, c’est, non pas le silence de l’instance continentale – le président de la FEGAFOOT, l’une des pires fédérations africaines, si ce n’est la pire de toutes, est membre du Comex de la CAF – mais l’inaction de la FIFA, qui ne peut ignorer ce qui se passe au Gabon depuis tant d’années, et qui n’oblige pas notre fédération à tenir ses engagements.

Cette même fédération internationale, capable de menacer de suspension telle ou telle fédération pour un oui ou pour un non, mais qui ne lève pas le petit doigt pour rendre leur dignité à plusieurs centaines de joueurs et agir pour qu’ils soient dûment payés pour l’exercice de leur métier de footballeurs. Mais que fait la FIFA, qu’attend-elle pour réagir ?

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Souleman a commencé à travailler comme peintre et charpentier.

« Malgré tout, nous continuons à espérer. Nous avons pu nous exprimer devant le cabinet du ministre. Nous savons que le ministère des Sports a demandé aux présidents de club d’évaluer le montant de la dette qui s’élève pour nous à 1 500 000 000 de Francs CFA, soit 2 513 000 dollars. Nous savons que les clubs cherchent aujourd’hui à négocier individuellement avec les joueurs. À la baisse, évidemment. Je sais, pour ma part, que sur les 8 millions de FCFA (13400 dollars) qui me sont dus, je ne pourrai alors espérer n’en toucher que la moitié. Il n’en est pas question ! Donc, nous conseillons aux joueurs de ne pas accepter et d’attendre les conclusions du cabinet d’audit appelé à se prononcer. 

« On se moque de nous depuis trop longtemps. Le règlement de nos arriérés de salaire avant le début du championnat est un préalable à la reprise de la compétition. Nous ne transigerons pas, que cela soit clair et net. 

« À titre personnel, je ne pense pas rejouer au football, ici au Gabon. J’ai vu et vécu trop de choses. Je me bats aujourd’hui pour tous mes frères… Et si demain, j’ai la chance de pouvoir exercer mon métier, quelques années encore, ce sera à l’étranger. Et pourtant, j’aime mon pays, j’aime le Gabon. J’espère qu’un jour viendra où l’on sauvera notre football et que l’on respectera nos footballeurs. Demain… »