Hérita, ce n’est pas une surprise de vous retrouver, aujourd’hui, président de l’UFC…
Oui, si l’on parle de mon engagement pour le bien des joueurs, de ma volonté, toujours affichée même lors de ma carrière d’agir pour l’ensemble des footballeuses et de footballeurs du Congo en particulier, de l’Afrique en général… Non, parce qu’une élection n’est jamais gagnée à l’avance : il faut savoir convaincre, s’appuyer sur un projet, porter des idées neuves, incarner une position qui nécessite un investissement total. Se faire élire, c’est l’aboutissement d’un long travail, d’une certaine exigence. J’avais mis, oui, tous les atouts de mon côté, préparant ce jour depuis quelque temps déjà…
Vos premiers mots ont été pour vos prédécesseurs…
Sans Bate Sélé Kamango et Jean-Claude Mukanya, nous ne serions pas là, c’est une évidence. Avec Domo Landu, qui conserve son rôle de secrétaire général, ils ont pensé et construit l’UFC, ils l’ont imposée, ce qui n’était pas chose aisée, ils ne me contrediront pas… Leur rendre hommage juste après mon élection était la moindre des choses, les conserver auprès de nous tombe sous le sens. Nous aurons, à l’avenir encore, besoin de leurs conseils éclairés. Et c’est tout naturellement que nous leur avons confié la responsabilité de la fondation UFC que nous venons de créer.
D’autant que le Comité directeur que vous présidez a été grandement renouvelé…
Si la stabilité est assurée par Domo Landu, j’aurai effectivement le plaisir de travailler avec une équipe renouvelée dans laquelle Youssouf Mulumbu, toujours en activité, s’est engagé avec conviction, bien décidé à donner de son temps et de sa personne en sa qualité de vice-président. Je suis fier de cette équipe, mais je regrette aujourd’hui néanmoins l’absence des femmes. Les deux places qui leur étaient promises au sein de notre instance dirigeante resteront vacantes en attendant que nos recherches portent leur fruit et que nous puissions accueillir deux footballeuses. J’ai bon espoir que l’UFC réussisse bientôt à relever le défi de la diversité, comme tant d’autres unions membres de la FIFPRO, comme la FIFPRO elle-même et comme sa représentation africaine également, qui a notamment modifié ses statuts en ce sens, votés à l’unanimité lors de son Congrès annuel, le 27 juillet à Accra auquel j’ai eu le grand plaisir de participer.
Dans tous les pays africains membres de la FIFPRO, les anciens grands joueurs s’investissent…
Parce que nous en ressentons le besoin. Nous aimons nos pays, nous aimons notre football, nous aimons nos sœurs et nos frères footballeuses et footballeurs et voulons les aider à obtenir le statut et la reconnaissance qu’on leur refuse encore. Nous n’agissons parce que nous ressentons le besoin d’aider, parce que nous avons l’envie de voir les contrats se généraliser et être respectés, les salaires payés régulièrement, mais pas seulement. L’éducation, aussi, fait partie de nos objectifs. Il n’est plus possible que nos jeunes joueuses et joueurs aient à choisir entre l’école et le football. Il serait dramatique, choquant, que la grande majorité des joueurs africains, demain, ne sache ni lire, ni écrire comme c’est aujourd’hui malheureusement le cas. Le rêve que l’on « vend » aux jeunes devient trop souvent un cauchemar car le nombre d’élus est ridicule : il ne suffit de vouloir, il ne suffit pas d’être doué, il ne suffit même pas de travailler quand une blessure ou un accident de la vie peuvent réduire à néant tout ce que vous avez voulu bâtir. Sans éducation, vous n’avez alors aucun avenir. Vous n’avez que des regrets. Je n’ai pas de solution miracle, mais je peux vous assurer que l’éducation est une priorité pour l’UFC. J’y suis particulièrement attaché.
Et vous ne parlez pas ici de ceux qui rêvent d’embrasser une carrière hors du Congo ?
C’est encore un autre niveau. Je ne sais plus quel grand footballeur africain évoluant en Europe a dit un jour : « Nous ne sommes pas des exemples, nous sommes des exceptions ! » Et c’est tellement vrai ! En Afrique, nous avons tous des exemples à revendre de jeunes auxquels on a vendu le rêve d’une carrière en Europe, aujourd’hui aussi en Asie, sans lendemain. L’objectif pour un jeune Congolais ne doit pas être d’évoluer dans une division mineure dans un pays étranger, mais il faut pour cela qu’il trouve, dans notre pays, des raisons de rester, des conditions de travail dignes, des infrastructures capables de répondre à la demande, des compétitions stables, sans oublier qu’il puisse signer un contrat, qu’il soit rémunéré, considéré…
Et aussi que l’on se donne les moyens de préparer sa reconversion car l’activité de sportif professionnel, si ce n’est peut-être dans le golf, n’est pas éternelle. Votre corps finit par vous rattraper. Je sais de quoi je parle… Une fois encore, les exemples de nos anciens, totalement démunis, devraient ouvrir les yeux de nos instances. Se retrouver à la rue, lorsque l’on a été footballeur, parfois même lorsque l’on a défendu les couleurs de son pays, est proprement inadmissible. Indigne, même.
Vous croyez que les choses vont changer…
Oui, sinon à quoi bon s’engager comme je le fais et comme d’autres le font. Mais je n’aurai pas la prétention de penser et de déclarer que nous allons y parvenir demain, simplement parce que je suis élu à la présidence de l’UFC. Il faudra du temps, ne serait-ce que pour changer les mentalités, pour faire accepter l’idée qu’une joueuse ou qu’un joueur, dont l’activité principale est de jouer au football, est un salarié comme un autre… Si j’ai des ambitions, ce n’est pas pour moi, ce n’est pas pour l’UFC, c’est pour les footballeuses et les footballeurs congolais. J’ai été formé et j’ai joué en France. J’ai vu le poids du syndicat des joueurs français, son exceptionnelle représentativité, sa proximité avec ses membres, sa présence au sein des instances, là où se prennent les décisions qui impactent la carrière des footballeuses et des footballeurs, sa volonté de renforcer l’éducation, son travail en direction de la reconversion. L’UFC n’a ni la même histoire – l’UNFP fête ses soixante ans, cette année -, ni les mêmes moyens, évidemment, mais elle poursuit les mêmes objectifs et empruntera les mêmes chemins.
Lesquels ?
Celui d’un dialogue constructif avec les autres partenaires, que j’appelle de toutes mes forces à venir s’asseoir avec nous autour de la même table, alors qu’un vent nouveau souffle aussi sur nos instances dirigeantes. Nous devons travailler ensemble car ce ne sont pas seulement les footballeuses et les footballeurs du pays qui ont à y gagner, nous l’avons souvent dit par le passé, c’est l’ensemble de notre football. Et nous le prouverons en faisant de l’UFC une véritable force de proposition. C’est ainsi, et je sais que cela prendra du temps, que nous élèverons le football congolais. Nous sommes un grand pays de football, prouvons-le tous ensemble en commençant par donner aux joueuses et aux joueurs toute la place qui leur revient ! »
Le Comité directeur de l’Union des footballeurs du Congo (UFC)
Président
Hérita Ilunga (ancien footballeur international)
Vice-présidents
Youssouf Mulumbu (footballeur professionnel en activité)
Marcel Tisserand (footballeur professionnel en activité, capitaine des Léopards)
Secrétaire général
Domo Landu (ancien footballeur professionnel)
Secrétaire général-adjoint
Marlin Piana (ancien footballeur international)
Trésorier
Zico Tumba (ancien footballeur international)
Fondation UFC
Bate Sele Kamango (ancien footballeur professionnel), Jean-Claude Mukanya (ancien footballeur international)