Maheta Molango ATB

Maheta Molango : « La FIFPRO s’impose davantage lorsqu'elle se sert mieux de la voix des joueurs »

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Maheta Molango ATB

La FIFPRO a présenté un comité directeur de 18 personnes, le plus diversifié de l’histoire du syndicat mondial des joueurs, à l'occasion de son assemblée générale en novembre 2021.

Across the Board se propose de faire le portrait des 18 membres du comité. Cette fois, nous nous entretenons avec Maheta Molango, le directeur général du syndicat des footballeurs professionnels anglais, qui a rejoint le comité directeur en janvier, en remplacement de Bobby Barnes. 

Mahetha Molango

  • Directeur général du syndicat des footballeurs professionnels anglais (PFA) depuis 2021
  • Membre du comité directeur de la FIFPRO depuis janvier 2023
  • Directeur général de Real Mallorca
  • Associé chez Baker McKenzie à Madrid
  • Diplômé en droit et en sciences politiques et gouvernementales de l'Université de Madrid
  • Avocat diplômé à New York
  • Footballeur professionnel en Espagne, en Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles

Félicitations pour votre nouveau poste, Maheta ! Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

J'ai un parcours un peu particulier. J'ai grandi en Suisse et après avoir remporté le championnat des moins de 19 ans avec le FC Biel-Bienne, j'ai été repéré par l'Atletico Madrid. Je suis resté dans leur académie, puis j'ai continué à jouer en Allemagne et en Angleterre. Pendant que je jouais, j'ai étudié le droit et les sciences politiques et j'ai obtenu un diplôme dans les deux disciplines. Après avoir arrêté de jouer, j'ai rejoint le cabinet d'avocats Baker McKenzie à Madrid, où j'ai fait pression pour la création d'un département sportif qui se concentrerait sur le conseil aux sportifs : joueurs, agents, fédérations, clubs et investisseurs. J'ai codirigé ce département et, à ce titre, j'ai également travaillé comme conseiller juridique pour l'Atletico Madrid, avant que l'un des clients que j'avais chez Baker McKenzie ne décide d'acheter un club en Espagne en suivant nos recommandations et ne me demande de devenir directeur général du Real Mallorca. Les débuts ont été difficiles, puisque Mallorca avait été relégué en troisième division. Mais au cours des deux années suivantes, nous avons remporté deux promotions consécutives et sommes montés en Liga, ce qui était extraordinaire. Et puis l'opportunité de rejoindre le PFA s'est présentée.  

 

Pour moi et ma famille, le football n'a jamais été un objectif. Il a toujours été question d'étudier et de trouver un « vrai » travail pour ainsi dire. Mon plus grand défi a été de combiner la compétition à un haut niveau et les études à l'université. Sur le chemin du retour des matches, je devais préparer mes examens, alors que tous les autres jouaient au poker ou écoutaient de la musique dans le car. Mais j'étais déterminé, ce n'était pas aussi grave que ça en a l'air maintenant.  

 

Au cours de ma carrière de joueur, j'ai connu les difficultés du football et son monde impitoyable : être écarté de l'équipe, ne pas être sélectionné, avoir un contrat et entendre le club dire qu'il ne compte pas sur vous, être contraint de s'entraîner seul, être envoyé à l'essai et entendre le nouveau club dire qu'il ne savait pas que vous veniez, votre agent absent dans les moments difficiles. Je sais que les joueurs ont parfois besoin de quelqu'un qui se démène pour les défendre. Dans le football, vous remarquerez des comportements qui, dans un métier normal, ne seraient pas tolérés, mais qui le sont en quelque sorte dans le football. Les gens pensent que parce que vous êtes footballeur et bien payé, vous êtes vraiment invincible, mais non. Beaucoup de joueurs sont confrontés à ce problème.  

Maheta Molango

Quelles sont les réalisations qui vous ont marqué avec le syndicat ?

J'avais pour objectif entre autres de faire en sorte que le PFA ne s'occupe pas de ce que je pensais être juste, mais plutôt de ce que les joueurs attendaient de nous. J'ai donc commencé à rendre visite à autant de clubs que possible, en commençant par la Premier League et la Women's Super League, puis en descendant dans les différentes divisions. La semaine dernière, j'étais au Wycombe Wanderers, en League One. Je me suis rendu compte que les joueurs des cinq ligues sont confrontés aux mêmes problèmes. On pense en général que la Premier League a beaucoup de succès et que tout va bien, la réalité est que nombre de ces joueurs se heurtent à un certain nombre de difficultés, comme des problèmes avec les clubs, les agents et les autorités fiscales.

Je me suis également rendu compte que le football et la société ont évolué en ce qui concerne le type de problèmes importants pour les joueurs aujourd'hui. Ainsi, beaucoup de joueurs s'intéressent de près à la durabilité et au changement climatique. C'est une génération qui veut être associée à certaines valeurs et si elle se rend dans un endroit où ces valeurs ne sont pas respectées, elle s'en désintéresse. Beaucoup semblent être davantage motivés par des valeurs ou des objectifs, plutôt que par leur carrière ou leur situation financière. En tant que syndicat, nous devons donc nous assurer qu'en fin de compte, nous ne faisons pas ce que nous pensons être juste, mais que nous faisons ce que les joueurs veulent que nous fassions. Nous devons donc devenir une plateforme pour les faire entendre.

Maheta Molango

Pourquoi avez-vous voulu devenir membre du comité directeur de la FIFPRO ?

Pour deux raisons. Tout d'abord parce que je comprenais bien qu'un certain nombre de questions cruciales pour nos membres ne pouvaient être résolues qu'au niveau international, comme le calendrier des matches et la future gouvernance du football international. Et ensuite parce que nous avons la responsabilité envers la FIFPRO et les autres syndicats de tirer parti du poids que l'Angleterre et le PFA peuvent avoir dans ces débats internationaux. Près de 20 % des joueurs qui ont participé à la Coupe du monde de l'année dernière jouent dans un club anglais et 65 % des joueurs de la Premier League sont des joueurs étrangers. Ils sont à même de constater les atouts de notre syndicat, de rentrer chez eux et de soutenir leurs syndicats locaux. Nous pouvons contribuer à renforcer tous ces syndicats.

Quelle est votre vision pour la FIFPRO ?

Je suis convaincu que la FIFPRO joue un rôle de premier plan dans les échanges internationaux et qu'elle doit être encore plus active. La pandémie de Covid-19 nous a appris qu'il n'y a pas de jeu sans joueurs. Le public a pris conscience de l'importance des joueurs. Les joueurs eux-mêmes se rendent compte qu'ils peuvent se faire entendre et provoquer des changements tangibles en travaillant ensemble. Nous avons une grande opportunité lorsque nous faisons en sorte que les joueurs comprennent mieux le rôle que la FIFPRO peut jouer et ce que la FIFPRO fait pour eux, que certains des leaders d'opinion soutiennent notre cause et que nous tirons mieux parti de leur voix pour nous assurer d'avoir plus de poids à la table des négociations.

C'est un moment crucial dans l'histoire du football avec une discussion sur le calendrier, avec un nouveau format de compétition, et nous devons faire partie de ces débats, et nous devons nous imposer à la table des négociations. Il est important de nous entendre, mais il est encore plus important d'entendre directement les joueurs lorsqu'il s'agit des problèmes auxquels ils sont confrontés. Nous l'avons vu très clairement lorsque nous avons organisé une réunion avec la FIFA à Manchester, où Paul Pogba, Kasper Schmeichel, Steph Houghton, Fernandinho, Harry Maguire, Lucy Bronze, Juan Mata et d'autres étaient tous autour de la table, pour exprimer directement leurs préoccupations et faire entendre leur voix.

Qu'est-ce qui vous passionne dans votre travail en ce moment ?

Pouvoir influencer l'avenir du jeu, voilà un grand moment pour le football. Il y a tellement de nouveaux investisseurs qui font leur entrée dans le jeu avec de nouvelles perspectives en termes d'orientation du football. Le moment est venu de protéger le jeu, si nous voulons qu'il continue à être ce qu'il était. Je suis très inquiet de voir que personne ne pense vraiment à la qualité de ce que nous voyons sur le terrain et à la protection du produit. L'aspect financier a son importance, mais si vous ne protégez pas le produit, vous finissez par le détruire. Le football est en danger. Il y a tellement de sources de divertissement que si nous ne faisons pas attention, la nouvelle génération de supporters s'en désintéressera.

Je pense que la rareté est un atout. Même si j'aime le football, parfois c'est juste trop. C'est presque comme une overdose de jeux et de football. L'attente est précieuse, et nous avons un peu perdu cette notion.