Comme son nom l'indique, la FIFPRO est une fédération de syndicats de joueurs. Actuellement, 66 organisations sont associées au sein de la FIFPRO pour soutenir les footballeurs professionnels du monde entier.
Dans le tout dernier numéro de notre série « Un syndicat à l'honneur », nous nous intéressons au Sindikat Profesionalnih Fudbalera Nezavisnost (SPFN) de Serbie. Cette organisation espère améliorer la protection de ses joueurs en introduisant un système de licence pour les footballeurs de deuxième division.
Historique
Le Sindikat Profesionalnih Fudbalera Nezavisnost (SPFN) a été créé en 2006. « Mais rien ne s'est vraiment passé jusqu'en 2009, date à laquelle nous avons tenu notre première assemblée », raconte Mirko Poledica, président du syndicat des joueurs.
Mirko Poledica est le président du syndicat depuis cette date. Il a lui-même été footballeur professionnel dans différents clubs de Serbie, de Tchéquie et de Pologne.
« Après avoir joué à l'étranger pendant cinq ans, je suis rentré en Serbie en 2007 », confie-t-il. « J'ai été surpris de constater l’insatisfaction des joueurs, certains d'entre eux présentant même des symptômes dépressifs.
La situation était intenable. Les joueurs n'avaient aucun droit. Ils avaient un statut d'amateur, ne disposaient que d'accords verbaux et d'aucun contrat écrit. Ils me racontaient que les matches qu'ils devaient disputer étaient truqués et qu'ils subissaient de fortes pressions de la part des dirigeants des clubs. »
Poledica a alors organisé une réunion avec les capitaines d'équipe et ensemble, ils ont décidé de créer un syndicat pour faire évoluer le football. « C'est aussi la raison pour laquelle j'ai mis fin à ma carrière de joueur en 2009. Moi aussi, j'étais mécontent, car les matches que je disputais étaient pour moi clairement truqués. »
Réalisations
« Le syndicat a fait de grands progrès de 2011 à 2016 », estime Poledica. Le SPFN a introduit des contrats de joueur standard et les joueurs sont officiellement devenus des footballeurs professionnels. Ils ont mis en place une chambre nationale de résolution des litiges (CNRL) et ont adapté les règlements locaux sur le statut et le transfert des joueurs. En 2011, le syndicat est devenu membre de la FIFPRO.
Mais la situation a changé en 2016 lorsque la fédération de football (FSS) a nommé un nouveau président. « Sa première décision a été de mettre à mal la CNRL. » Certains arbitres clés ont été renvoyés et remplacés par des juges entretenant des liens étroits avec les clubs. Si le président est parti depuis, le syndicat n'a plus qu'une relation de travail très limitée avec la FSS.
Pour autant, le SPFN a trouvé un moyen de protéger les joueurs. Avec l'aide de la FIFPRO et de l'UEFA, ils ont réussi à mettre en place un système de licence pour la Super Liga, la plus haute division du pays, en 2018. « Si un club ne paie pas les joueurs, nous pouvons en informer le comité de licence et le problème est rapidement résolu. » Selon Poledica, le nombre de cas a considérablement diminué. Alors que le syndicat traitait auparavant 500 cas, il estime qu'il n’y en a pas eu plus de 60 en 2022.
« Pour notre pays, le système de licence fonctionne. Ce serait formidable d'avoir une CNRL fonctionnelle, mais en Serbie, la plupart des contrats sont courts, d'un ou de deux ans. Les joueurs ne veulent pas attendre trop longtemps pour toucher leur argent, ils n'ont pas le temps de résilier leur contrat avec un motif valable. Je pense que c'est notre plus grande réussite. »
Le SPFN a également accepté récemment d'introduire le système de licence en Première Ligue, la deuxième division en Serbie, la saison prochaine.
Situación
Le SPFN compte environ 600 membres. La plupart d'entre eux jouent en Serbie, mais beaucoup ont rejoint des clubs étrangers. « Il y a plus de joueurs serbes à l'étranger qu'en Serbie. La semaine dernière, un joueur m'a appelé pour me demander conseil car il allait signer avec un club en Tanzanie.
J'encourage toujours les joueurs à rejoindre les syndicats du pays dans lequel ils jouent. Nous avons une coopération fantastique avec les syndicats d'autres pays, comme la Grèce et la Croatie. Il est important de travailler en étroite collaboration. »
Indépendamment du système de licence, Poledica passe toujours beaucoup de temps à faire en sorte que les joueurs touchent leur dû. « À l'avenir, nous espérons avoir plus de temps pour d'autres programmes. Actuellement, nous encourageons les joueurs à étudier. Leur rémunération n’est pas extraordinaire dans notre pays, ils doivent donc avoir un plan une fois leur carrière de joueur terminée. Les jeunes joueurs surtout doivent terminer le lycée. »
Le travail en Serbie
« Pour travailler pour un syndicat de joueurs en Serbie, il faut une bonne dose de courage », assure Poledica. « Pas seulement en Serbie, d'ailleurs ; il y a peu de différences entre les pays d'Europe de l'Est.
Nos interlocuteurs ne sont pas toujours très honnêtes. Ce peut être frustrant lorsque nous négocions avec la ligue et la Fédération et qu'elles ne reconnaissent pas que les droits des joueurs sont essentiels pour améliorer le football. Mais bon, c'est notre mission.
Tous les clubs de Serbie ne sont pas nécessairement difficiles, nous avons de bonnes relations avec certains d'entre eux. Mais quelques-uns ne respectent pas les joueurs, et les plus grands clubs, comme Partizan et Étoile rouge, sont les pires. Ils ne nous aiment guère parce que nous les critiquons publiquement, mais nous y sommes contraints. L’Étoile rouge jouait les qualifications pour la Ligue des champions et ne payait pas les salaires des joueurs. C'est inadmissible. Il faut y remédier. »
Ce mois-ci, le SPFN soutient Takuma Asano, l'international japonais qui a marqué le but de la victoire contre l'Allemagne en Coupe du monde. « Nous l'avons aidé dans son affaire contre le Partizan.
Il a résilié son contrat pour motif valable après un défaut de paiement et a gagné son procès devant la CRL de la FIFA. Le Partizan a fait appel auprès du TAS et l'audience aura lieu en janvier.
« Certains clubs peuvent nous interdire l'accès aux vestiaires, mais ce n'est pas très bon pour leur image. Nous pouvons aussi recourir à des moyens technologiques et organiser des réunions vidéo pour parler avec les joueurs.
Avec les joueurs de notre côté, on peut changer les choses. Voilà pourquoi il est important d'être unis et de rester solidaires les uns avec les autres. »