Idsea Liberia 2 2500

Affaire en justice : Comment la FIFPRO a pu venir en aide à des joueurs libériens piégés au Laos

Droits de l'Homme Étude de cas

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Idsea Liberia 2 2500
Une trentaine de footballeurs africains, dont 21 joueurs de moins de 18 ans (mineurs), s'étaient rendus au Laos, où ils comptaient rejoindre un club et une académie de football professionnel. Trompés par des personnes qui voulaient leur faire signer des contrats pluriannuels, ils ont été retenus prisonniers sur un terrain d'entraînement.

Comment cela s'est-il passé ?

En décembre 2014, le joueur de l'équipe nationale du Liberia Alex Beyam Karmo a convaincu un président de club ami d'amener de jeunes joueurs dans une nouvelle académie de son équipe de football laotienne, Idsea Champasak United. Idsea, lui avait-il dit, serait un tremplin vers les clubs européens et il promettait à chaque joueur 1 000 dollars, un ordinateur portable, 25 dollars par séance d'entraînement, une formation scolaire et le remboursement des frais de déplacement.

En février 2015, son ami est arrivé au Laos avec 30 joueurs - dont 21 mineurs, dont certains avaient joué dans des équipes nationales de jeunes.

Mais les promesses de Karmo se sont avérées mensongères : il n'y avait ni coach, ni personnel médical, ni école. Le logement était une pièce délabrée et non hygiénique du stade. Les joueurs ne recevaient que deux repas par jour : du pain et du riz. Ils s'entraînaient deux fois par jour, mais ne disputaient aucun match car l'académie n'était pas immatriculée officiellement.

Au bout d'un mois, la direction d'Idsea a insisté auprès de tous les joueurs pour qu'ils signent un contrat de 6 ans. Le président du club libérien a déclaré que les contrats étaient « bidons ». Les joueurs ont refusé de signer et ont voulu partir. Idsea leur a alors déclaré qu'ils ne pouvaient partir que s'ils payaient leurs frais de logement, de nourriture et de boissons. Les joueurs n'avaient pas d'argent et étaient coincés sur le terrain d'entraînement.

La FIFPRO a été alertée de la situation et - aidée par le syndicat de joueurs ghanéen PFAG - a exercé des pressions sur la Fédération laotienne de football (LFF) pour résoudre cette situation. Après dix jours d'agitation, au cours desquels les joueurs ont été menacés physiquement, Idsea a permis à 17 joueurs (dont 16 mineurs) de rentrer chez eux.

Quatorze autres joueurs étaient restés parce qu'ils craignaient d'être ridiculisés lorsqu'ils rentreraient chez eux sans avoir réussi. Ils avaient signé un contrat, car Idsea avait promis de leur donner un visa et un permis de séjour en échange. Encore une autre fausse promesse ; un mois plus tard, d'autres joueurs ont voulu partir, ce qui n'a été possible qu'avec la pression de la FIFPRO et de la FIFA.

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Décision

La FIFPRO a déposé plainte auprès de la Commission de Discipline de la FIFA, demandant que la Fédération Laotienne de Football soit sanctionnée pour ne pas avoir respecté le Règlement de la FIFA.

Il a été constaté que deux joueurs mineurs apparaissaient dans certains matches de la ligue d'Idsea. Or les articles 19 et 19bis du Règlement de la FIFA concernant le Statut et le Transfert des Joueurs n’autorisent pas le transfert des joueurs mineurs susmentionnés à Idsea et à son académie sans une demande préalable acceptée par la sous-commission de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA ;

Les joueurs adultes ne pouvaient en outre être enregistrés que s'ils avaient reçu un Certificat International de Transfert (ITC) par l'intermédiaire de la FIFA. La FIFPRO avait toutefois également remarqué qu'un jeune de 20 ans avait disputé plusieurs matches sans avoir d'ITC.

En avril 2018, la Commission disciplinaire de la FIFA a donné raison à la FIFPRO et a imposé à la Fédération laotienne de football (LFF) une amende de 690 000 CHF (environ 700 000 USD) pour violation des dispositions relatives au transfert international et au premier enregistrement des joueurs mineurs, ainsi que d'autres dispositions concernant l'enregistrement et la participation des joueurs mineurs et adultes aux compétitions.

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Réactions

Stéphane Burchkalter, Secrétaire général de la FIFPRO Afrique, s’est indigné : « Il est choquant pour la FIFPRO de voir qu'un club du Laos, qui - sauf votre respect - est un tout petit pays de football, puisse attirer 21 joueurs mineurs du Libéria sans que le système informatique de régulation des transferts (TMS) de la FIFA ne s'en aperçoive ».

Le club et l'académie sont apparemment dirigés par des hommes sans scrupules qui ne se soucient ni des droits des joueurs ni des droits de l'homme. Le bien-être des joueurs ne les intéresse pas. Ils traitent clairement les joueurs comme des marchandises ».

Pour Anthony Baffoe, Président du syndicat des joueurs ghanéen, il s'agit ici clairement avec Idsea d'un exemple de trafic d'enfants. « Ils approchent les jeunes joueurs africains et les persuadent en leur faisant miroiter monts et merveilles. En réalité, ils n'offrent absolument aucun avantage aux joueurs. Ils ne leur offrent pas d'entraînement adéquat, ne les éduquent pas, et ne s'occupent pas d'eux. »

 

Pourquoi ce verdict est-il si important ?

Il prouve que le système informatique de régulation des transferts (TMS) de la FIFA n’est pas tout à fait fiable. L'instance dirigeante a apporté quelques améliorations au TMS et à sa structure afin que de telles situations ne se reproduisent plus et que le principe de la protection des mineurs soit garanti.