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Comment la fatigue due au voyage et au décalage horaire affecte-t-elle les footballeurs ?

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  • La professeur Christa Janse van Rensburg est la chef du département de médecine du sport (SSM) à l’Université de Pretoria

  • Elle nous parle de la fatigue due au voyage et au décalage horaire dans le football, ainsi que de ses effets potentiels à long terme

  • Impliquée dans l’étude Drake Football en tant que superviseuse, la professeur Janse van Rensburg fait également le point sur l’enquête de 10 ans sur la santé des footballeurs 

La fin de la trêve internationale du mois de mars pour les joueurs et le début de la trêve internationale du mois d’avril pour les joueuses nous rappellent les trop nombreux déplacements auxquels sont soumis les footballeurs d’élite.  

Les joueurs qui traversent le continent pour rejoindre leurs équipes nationales risquent de souffrir de fatigue due au voyage et au décalage horaire. La fatigue due au voyage se produit lors de déplacements du nord au sud, du sud au nord ou de la traversée de moins de trois fuseaux horaires ; pour sa part, le décalage horaire intervient lors d’un changement dans les rythmes quotidiens normaux d’une personne et de la traversée d’au moins trois fuseaux horaires. Les déplacements vers l’est entraînent un décalage horaire plus important et plus durable.

Qu’il s’agisse de joueurs qui voyagent depuis leurs clubs basés en Europe vers l’Asie pour rejoindre leurs équipes nationales ou de ceux revenant d’Amérique du Sud à la fin de la trêve, les multiples et longues périodes de déplacement de l’actuel calendrier des matchs internationaux sont à nouveau sous le feu des projecteurs.

« Du point de vue de leur santé et de leur bien-être, les footballeurs tireraient avantage d’un calendrier des matchs internationaux dans lequel ils n’auraient pas à faire d’incessants allers-retours sur de longues distances », a déclaré la professeur Christa Janse van Rensburg, chef du département de médecine du sport (SSM) à l’Université de Pretoria et rhumatologue consultant à l’hôpital Eugene Marais.  

Après une Coupe du monde qui s’est terminée en décembre, le calendrier 2023 des matchs internationaux masculins voit les joueurs d’élite rejoindre leurs équipes nationales en mars, juin, septembre, octobre et novembre, sans parler des compétitions continentales qui se déroulent en juin et juillet pour l’Afrique, l’Asie et la Concacaf.

La Colombie s'est rendue en République de Corée et au Japon pour deux matches amicaux au mois de mars.

 

« Plutôt que de faire voyager les footballeurs vers et depuis plusieurs continents cinq ou six fois par an, pour finalement ne jouer parfois que deux matchs par trêve, leur santé gagnerait à réduire ces déplacements et à passer de plus longues périodes avec leurs équipes nationales afin de donner à leur horloge biologique le temps nécessaire pour s’adapter et rester adaptée », a affirmé la professeur Janse van Rensburg, spécialiste en épidémiologie des blessures et des maladies chez les athlètes d’élite et amateurs. 

« Les joueurs qui voyagent vers l’est et traversent plusieurs fuseaux horaires sont les plus à risque et mettront davantage de temps à s’adapter. » 

De l’Europe à l’Asie

Malgré le fait que Maya Yoshida n’ait pas été appelé par le Japon afin de disputer ses récents matchs de la Kirin Cup, le défenseur de Schalke est l’un des footballeurs qui a le plus voyagé ces derniers temps, ayant passé les 13 dernières années à jouer dans des clubs européens tout en voyageant fréquemment en Asie pour disputer les matchs internationaux de qualification.

Déplacements de Maya Yoshida : du 29 mai 2018 au 29 septembre 2022

  • 330 000 kilomètres parcourus
  • 26 000 minutes passées à voyager
  • 74 voyages traversant les fuseaux horaires
  • 8,24 voyages autour du monde

Avec des joueurs endurant des voyages aussi longs pour des matchs internationaux et traversant plusieurs fuseaux horaires si fréquemment au cours d’une saison, cela soulève la question des effets physiques et mentaux de ces déplacements sur le long terme pour ces joueurs.

« Il existe de nombreuses recherches sur les travailleurs par quart, assumant tantôt le quart de nuit une semaine, tantôt le quart de jour la semaine suivante, mais la comparaison vaut pour les changements fréquents subis par votre horloge biologique », a déclaré la professeur Janse van Rensburg. 

« Chez ces travailleurs par quart, il a été démontré qu’à long terme, la morbidité cardiovasculaire est plus élevée et qu’ils sont plus à risque de déclarer des maladies métaboliques telles que le diabète. Même le risque de développer une maladie cancéreuse peut augmenter. » 

Coupe du monde féminine à l’horizon

De nombreuses équipes nationales se préparent actuellement pour un long voyage vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande afin de participer à la Coupe du monde féminine qui aura lieu cette année en juillet.

La professeur Janse van Rensburg livre une série de conseils dont les joueuses peuvent tirer parti lorsqu’elles voyagent vers l’est en traversant plusieurs fuseaux horaires afin d’atténuer les effets de la fatigue et du décalage horaire :

  • Adaptation du sommeil avant le voyage : « Avant de voyager, allez vous coucher une heure plus tôt chaque jour pendant quatre jours. »
  • Prise de mélatonine : « Une hormone que votre cerveau produit en réponse à l’obscurité »
  • Lentilles et lumière : « Utilisez des lentilles ambrées à un moment où vous avez besoin de bloquer la lumière, notamment à votre arrivée. Au contraire, si vous arrivez et qu’il fait sombre alors que, d’après votre horloge biologique, vous avez besoin de lumière, utilisez la lumière bleue de sorte à obtenir cette exposition. »
  • Planification de l’heure d’arrivée optimale : « Lors de l’organisation de votre voyage, déterminez quel sera le meilleur moment pour arriver afin d’être exposé à la lumière »
Sydney Women's World Cup

Étude Drake Football

La professeur Janse van Rensburg est superviseuse et partenaire du projet de l’étude Drake Football, un projet révolutionnaire mené sur 10 ans qui suit la santé physique et mentale de 170 footballeurs.

2023 devrait apporter de nouveaux éclairages sur les examens et sous-études qui ont eu lieu dans le cadre du projet, lancé fin 2019.

« L’un des principaux objectifs de l’étude Drake Football est de tirer des leçons des joueurs eux-mêmes, car nous manquons cruellement de cela », a déclaré la professeur Janse van Rensburg. « Tout le monde se penche sur les blessures, leur suivi et les mesures de retour au jeu, mais nous ne disposons que de trop peu d’informations sur la santé générale des athlètes. »  

« Cette année, nous espérons publier une partie de l’analyse des données, en particulier en ce qui concerne l’étude menée sur les hommes. Nous effectuons un examen systématique lors duquel nous épluchons les différentes publications afin d’identifier d’autres lacunes que nous espérons ensuite intégrer dans les futures études Drake Football. » 

Christa Janse Van Rensburg
La professeur Christa Janse van Rensburg

L’étude s’intéresse prioritairement aux douleurs articulaires au niveau des chevilles, des hanches et des genoux chez les joueurs hommes, et à la façon dont elles peuvent avoir un impact sur leur bien-être à long terme. La santé mentale est le premier point d’intérêt des joueuses, et l’étude cherche à explorer les symptômes tels que l’anxiété et la dépression qui sont souvent signalés par ces dernières. 

« Le fait que ses résultats soient applicables et transférables à d’autres sports ajoute une réelle valeur à l’étude Drake Football », a souligné la professeur Janse van Rensburg. « La santé gynécologique des athlètes féminines est notamment un domaine qui nécessite une étude plus poussée, de même que la santé mentale. »  
 
L’étude Drake Football est financée par la Fondation Drake et soutenue par les centres médicaux de l’université d’Amsterdam, le Mehiläinen (en Finlande) et Push Sports (aux Pays-Bas). 

Le professeur Vincent Gouttebarge, médecin-chef de la FIFPRO et ancien footballeur, est le chef du projet avec le professeur Gino Kerkhoffs, directeur du département de chirurgie orthopédique et de médecine sportive des centres médicaux de l’Université d’Amsterdam.