Des syndicats membres de FIFPRO Europe ont introduit aujourd'hui une action en justice contre la FIFA, contestant la légalité des décisions de la FIFA de fixer unilatéralement le calendrier international des matches et, en particulier, la décision de créer et de programmer la "Coupe du Monde des Clubs de la FIFA 2025 ".
Les syndicats de joueurs estiment que ces décisions violent les droits que Les joueurs et leurs syndicats tirent de la Charte des droits fondamentaux de l'UE et qu'elles enfreignent également le droit européen de la concurrence.
L'Association des footballeurs professionnels anglais (PFA) et l'Union Nationale des Footballeurs Professionnels (l’UNFP, le syndicat des joueurs professionnel français), avec le soutien de FIFPRO Europe, demandent au Tribunal de Commerce de Bruxelles de renvoyer l'affaire devant la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE) en posant quatre questions préjudicielles.
La Charte des droits fondamentaux de l'UE garantit aux travailleurs et à leurs syndicats divers droits fondamentaux. Il s'agit notamment de l'interdiction du travail forcé ou obligatoire, de la liberté de travail, du droit de négocier et de conclure des conventions collectives, du droit à des conditions de travail garantissant la santé et du droit à une période annuelle de congés payés. Ces droits sont protégés par les articles 5, 15, 28 et 31 de la Charte (CDFUE).
Les joueurs et leurs syndicats n'ont cessé de souligner que le calendrier actuel du football était surchargé et impraticable.
Cependant, la FIFA, comme signalé par les syndicats de joueurs et les organisations internationales des ligues professionnelles, ne s’est pas engagé à négocier de manière significative et a poursuivi unilatéralement un programme d'expansion des compétitions en dépit de l'opposition des syndicats. Elle a notamment décidé d'organiser une Coupe du monde des clubs de la FIFA élargie.
Le nouveau tournoi, qui se déroulera au cours du prochain été, verra 32 clubs et leurs joueurs devoir participer à cette nouvelle compétition aux États-Unis de la mi-juin à la mi-juillet 2025. Si l'on tient compte des périodes de préparation et des déplacements, le tournoi créera jusqu'à six semaines de travail supplémentaire, qui viendront s'ajouter à un emploi du temps déjà surchargé.
Le rôle de FIFPRO Europe et de ses membres n'est pas de favoriser ou de défavoriser une compétition par rapport à une autre. Cependant, dans le contexte plus large du calendrier mondial du football, la nouvelle Coupe du Monde des Clubs de la FIFA est considérée par les joueurs et les syndicats comme représentant un point de non-retour.
Pour les joueurs les plus sollicités pour les matches de club et les compétitions d’équipes nationales, le droit à des vacances annuelles est devenu pratiquement inexistant, la Coupe du monde des clubs 2025 se déroulant pendant la seule période de l'année théoriquement disponible à cette fin.
Les syndicats de joueurs estiment que de telles décisions de la FIFA sont contraires à la Charte des droits fondamentaux de l'UE (CDFUE), sans aucune justification sérieuse. En fin de compte, les syndicats de joueurs estiment que l'objectif de cette nouvelle compétition est d'accroître la richesse et le pouvoir de l'instance dirigeante du football mondial, sans tenir compte de l'impact sur les joueurs impliqués ou sur les autres parties prenantes du football professionnel.
En outre, les syndicats de joueurs estiment qu'à la lumière de l'arrêt de la CJUE sur la "European Super League", de telles décisions unilatérales et discrétionnaires - qui ne sont pas le résultat de règles juridiques claires, objectives, transparentes, non discriminatoires et démocratiques - constituent des "restrictions de concurrence par objet" au sens de l'article 101 TFUE.
La FIFA trouve normal d'occuper unilatéralement et abusivement un domaine qui, dans une gouvernance moderne et ouverte, relève naturellement de la compétence des partenaires sociaux et donc de la négociation des conventions collectives entre les syndicats de joueurs et les organisations représentatives des employeurs.
Les syndicats membres de FIFPRO Europe demandent au Tribunal de Commerce de Bruxelles de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE) de cette problématique cruciale par le biais de quatre questions préjudicielles dont la substance peut être résumée comme suit :
La FIFA, en imposant de manière unilatérale et discrétionnaire un calendrier international des matches et, plus spécifiquement, une nouvelle compétition intitulée "Coupe du monde des clubs 2025", viole-t-elle les droits que les travailleurs et les syndicats tirent de la CDFUE et du droit de la concurrence de l'Union européenne ? Plus précisément, l'imposition unilatérale de telles décisions aux joueurs viole-t-elle le droit consacré par l'article 28 CDFUE pour ces joueurs de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, par l'intermédiaire de leurs syndicats ?
L'affaire "Diarra contre FIFA", dans laquelle la CJUE doit rendre un arrêt dans les prochains mois, est pertinente pour cette affaire. FIFPRO Europe (qui s'est jointe à la procédure aux côtés de Lassana Diarra) maintient que la réglementation du marché du travail du football professionnel doit résulter de conventions collectives entre partenaires sociaux et non de l'imposition unilatérale par la FIFA d'un "système de transfert" qui est fondamentalement incompatible avec la liberté du travail et la dignité humaine.
David Terrier, président de FIFPRO Europe, a déclaré : "Puisque toutes les tentatives de dialogue ont échoué, il nous appartient maintenant de veiller à ce que les droits fondamentaux des joueurs soient pleinement respectés en portant l'affaire devant les juridictions européennes et donc devant la CJUE. Il ne s'agit pas de stigmatiser une compétition en particulier, mais de dénoncer à la fois le problème de fond et la goutte d'eau qui fait déborder le vase".
Les syndicats membres de FIFPRO Europe sont représentés devant le Tribunal de commerce de Bruxelles par le cabinet d'avocats Dupont-Hissel.
Le texte complet des 4 questions préjudicielles demandées:
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Les droits garantis aux travailleurs et à leurs syndicats par la Charte des droits de l'Union européenne, en particulier les articles 5, 15, 28 et 31, interdisent-ils à la FIFA de programmer la Coupe du monde des clubs 2025 à une période qui représente traditionnellement la "fenêtre" au cours de laquelle les footballeurs prennent une pause annuelle, et contre les représentations formelles des syndicats de joueurs/travailleurs ?
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L'imposition unilatérale de telles décisions aux footballeurs viole-t-elle leur droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi en vertu de l'article 28 de la Charte ?
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Le droit à des conditions de travail saines garanti par l'article 28 est-il violé par la décision de la FIFA d'imposer une charge de travail supplémentaire importante dans le cadre de la Coupe du monde des clubs 2025 ?
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Les décisions unilatérales de la FIFA concernant le calendrier international des matches et la Coupe du monde des clubs 2025 constituent-elles des "restrictions de concurrence" au sens de l'article 101 du TFUE ?