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Serge Mfambove : « J’ai été retenu en otage pendant cinq jours pour des factures impayées par mon club »

L'histoire du joueur

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Être footballeur professionnel au Cameroun peut se révéler un défi de taille. D’après une enquête réalisée en 2021 par le SYNAFOC, le syndicat national des footballeurs camerounais, à laquelle ont participé 616 footballeurs professionnels issus des deux premières divisions masculines et de la meilleure ligue féminine, 73 % ont connu des arriérés de salaire. Mais ils rencontrent d’autres difficultés liées au fait que les clubs ne respectent pas les règlements ou le contrat type du joueur : une écrasante majorité de joueurs ne disposent pas d’une copie de leur contrat, ne sont pas payés par virement bancaire et ne sont pas couverts par la sécurité sociale. 

Plus tôt dans la saison, le défenseur Serge Mfambove a été abandonné par son club, l’Union des Mouvements Sportifs de Loum (UMS), après s’être cassé le bras. Voici son histoire. 

Par Serge Mfambove

J’ai été victime d’une double fracture de l’avant-bras gauche le 15 décembre 2022, au cours d’un match amical entre mon club UMS de Loum et le FC Sawa. 

Dans un premier temps, j’ai été transporté à l’hôpital Laquintinie de Douala où j’ai effectué des radios payées par le Sawa FC. Il était question que je subisse une opération chirurgicale. Mais au regard du coût élevé de l’opération, j’ai été conduit par les dirigeants de l’UMS de Loum dans un centre spécialisé pour recevoir des massages. 

Après avoir passé plus d’un mois dans ce centre de massages, je peux affirmer que les soins reçus sont appropriés, car, j’ai retrouvé l’usage de mon avant-bras gauche. 

Mais quand j’ai voulu quitter le centre, j’y suis resté bloqué parce que le club a refusé de payer la facture qui s’élevait à 316 000 francs CFA (500 USD) pour les soins et mon l’hospitalisation. Ils m’ont dit qu’ils me relâcheraient quand la facture serait payée.

Serge Mfambove 1
Serge Mfambove

J’ai fait appel au soutien du syndicat national des footballeurs camerounais, le Synafoc, qui a contacté la direction du club. Le club a déclaré avoir refusé de payer, estimant le montant des soins trop élevé. Ils ont soutenu avoir déjà suffisamment payé pour les médicaments. 

Le club m’a demandé d’être patient. Ils voulaient d’abord me ramener à l’hôpital afin de s’assurer que mon bras était complètement guéri ; ce n’est qu’à partir de là que le club pouvait envisager de payer la facture. Ils m’ont dit avoir pris rendez-vous pour une nouvelle radio le 23 janvier, soit cinq jours plus tard. J’ai été choqué et traumatisé. 

Je me suis senti abandonné par mon club. Pendant le mois où je suis resté dans ce centre, je n’ai reçu que 10 000 francs CFA (16 USD) des dirigeants de l’UMS de Loum. J’ai été soutenu sur le plan alimentaire par ma famille et certains patients du centre de massages. 

J’ai été retenu en otage pendant cinq jours. Finalement, je m’en suis sorti grâce au soutien du Synafoc et de mon beau-frère qui ont versé une avance du montant que je devais à la clinique de massage. 

Je ne joue plus avec le club. Je n’y retournerai jamais. Je souhaite juste reprendre ma liberté et je veux que le club paie mes frais. Le Synafoc me soutient et gère mon dossier juridique contre l’UMS. Je n’ai pas de copie de mon contrat, mais la fédération a récemment publié une liste de joueurs sous contrat avec les clubs, et cette liste confirme que je suis bien sous contrat avec l’UMS. Aujourd’hui, je suis rentré chez moi. Je me maintiens en forme dans un centre d’entraînement. 

La Fédération camerounaise de football (Fecafoot) doit prendre les mesures nécessaires afin d’éviter à d’autres joueurs de vivre une chose pareille. Par exemple, la Fecafoot devrait obliger les clubs à souscrire des polices d’assurance pour les joueurs. 

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D’autres footballeurs camerounais en sont aussi passés par là, comme l’ancien joueur des New Stars, Stéphane Dassi Tatan, qui s’est cassé la mâchoire lors d’un match et a été abandonné par son club alors qu’il était hospitalisé. Résultat, il a mis fin à sa carrière de footballeur. 

Nous, les joueurs du Cameroun, sommes confrontés à beaucoup d’incertitudes. Comme le montrent les résultats de l’enquête menée par le Synafoc, très peu de joueurs sont payés dans les délais et peu disposent des copies de leurs contrats. L’année dernière, alors que je n’avais pas été payé depuis un certain temps, j’ai reçu une grande partie de mon salaire grâce au Synafoc. 

Le syndicat essaie de résoudre nos problèmes en s’engageant auprès de la fédération et des clubs et en essayant de négocier une convention collective qui inclurait un mécanisme de contrôle afin de garantir que toutes les parties respectent leur accord.