Sept joueurs, hommes et femmes, ont été nominés par les syndicats pour le Prix du mérite FIFPRO 2023. La FIFPRO annoncera les lauréats dans les trois catégories différentes – Militantisme, Impact et Voix – lors de son assemblée générale annuelle qui se tiendra en Afrique du Sud, le jeudi 23 novembre. Chris Kach, joueuse intersexe kenyane, figure parmi les nominés. Kach préfère être désigné par le pronom iel.
Par Chris Kach
J'ai commencé à jouer au football à l'école primaire et j'ai continué en entrant dans un lycée de filles. Une école nationale m'a accordé une bourse pour jouer avec elle et y poursuivre mes études, mais à l'époque, je n'ai pas accepté car je n'avais pas terminé l'école secondaire.
C'est à ce moment-là que mon corps a commencé à manifester des signes du sexe opposé. L'école ne savait pas quoi faire de moi. Ils me connaissaient sous le nom de Christine et n'avaient aucune idée de ce qui se passait. Ils m'ont donc envoyée à l'Hôpital national Kenyatta. Je ne savais pas vraiment alors pourquoi ils m'avaient orientée là-bas. Dans ma tête, j'étais Christine. C'est la seule chose que je savais.
Mes parents me soutenaient beaucoup. Ils me disaient que c'était le projet de Dieu et que je ne devais pas me stresser. À l'hôpital, j'ai suivi des séances de conseil pendant lesquelles on m'a dit que j'étais intersexuée. C'était en 2014. Je voulais m'inscrire dans une autre école, mais ils n'ont pas pu me prendre car je suis arrivée avec des documents qui ne correspondaient pas à qui j'étais. Faire face à tout cela a été difficile. Je m'isolais des autres parce que j'avais l'impression d'être seule à souffrir de cet état.
Mais malgré ces difficultés, je me débrouillais bien en football : Je jouais dans l'équipe senior de mon club en première division kényane, et puis j'ai été appelée en équipe nationale. Mais on m'a dit que pour un match international, je devais passer des tests médicaux. J'ai décidé de quitter l'équipe parce que je savais que je ne pouvais pas m'identifier comme la plupart des gens. J'avais fait tellement de tests médicaux que je voulais arrêter là. En 2018, j'ai également décidé d'arrêter de jouer au football en club parce que je n'étais pas bien mentalement.
Après deux saisons sans jouer, je me suis rendu compte que beaucoup de gens comptaient en fait sur moi. Je connais une vingtaine d'autres joueurs et joueuses intersexes. Mais iels n'avaient pas encore fait leur coming out parce qu'iels redoutaient la perception par les autres. Iels m'admiraient, je les motivais et je leur donnais la force de jouer en tant que joueurs et joueuses intersexes.
C'est ce qui m'a donné le courage de revenir. Lorsque j'ai décidé de reprendre le football, de nombreux joueuses, entraîneurs et équipes m'ont félicité. Mon retour a donné à d'autres joueurs et joueuses intersexes le courage de continuer. Je déclarais que je jouerais pour elles et eux, afin de donner aux autres joueurs et joueuses intersexes la force de poursuivre leur carrière. Je suis actuellement la seule joueuse intersexe à avoir fait son coming out, mais le nombre de joueurs et joueuses avec cette identité sexuelle augmente.
Les joueuses et les autres équipes me connaissent tous. Certains supporters de l'équipe adverse font parfois des remarques désobligeantes, mais je les ignore et je joue mon jeu. Je leur prouve que je suis cette personne, à la seule différence que je suis intersexe. Si je m'attache à ce qu'ils disent, mon estime de moi s'en trouvera diminuée. Mais en général, si nos adversaires montrent qu'ils me respectent et viennent me parler, alors les fans m'accepteront.
Je suis aujourd'hui défenseur.e des joueurs intersexes. Je défends essentiellement notre cause en jouant. Lorsque je joue, je défends nos droits et notre inclusion. Quand les gens me voient jouer, ils voient Kach, une joueuse intersexe.
La Kenya Footballers Welfare Association m'a beaucoup soutenu et m'a encouragé à reprendre le football. Mais je pense qu'à l'échelle mondiale, la question des joueurs et joueuses intersexes n'est pas particulièrement à l'ordre du jour. De nombreuses personnes croient, à tort, qu'elle est couverte par les questions des droits des personnes LGBTQIA+. Ils nous catégorisent sans connaître notre souffrance, sans savoir qu'il y a cette condition unique qui est innée.
Je m'occupe également de mobiliser la communauté. Nous allons à la rencontre des différentes communautés pour les sensibiliser aux questions relatives à l'intersexualité et à l'intersexualité dans le sport. Le Kenya est l'un des premiers pays d'Afrique, et même du monde, à reconnaître les droits des personnes intersexes. En 2019, les intersexes ont été inclus dans un recensement, ce qui nous a permis de faire avancer les choses puisque nous avons été reconnus par le gouvernement. Les enfants intersexes ont également été reconnus par la Loi sur les enfants de 2022.
Je crée également des espaces sûrs pour que d'autres personnes puissent parler de leur intersexualité, de choses comme le fait d'être déshabillé de force en public ou d'être ignoré par leur famille. Nous leur offrons un lieu de parole et un abri. Ces espaces sûrs ont encouragé d'autres joueurs et joueuses intersexes à faire leur coming out. Dans cette entreprise, je collabore avec une association appelée Jinsiangu.
Je gagne un peu d'argent en jouant au football dans la Women's Premier League pour les Kenya Police Bullets. Je possède également une boutique en ligne où je vends des vêtements que je crée. J'ai une petite imprimerie grâce à laquelle j'offre aux personnes intersexes la possibilité d'acquérir des compétences non techniques afin de leur donner une meilleure chance de gagner leur vie. Iels ont souvent du mal à trouver un emploi et en leur apportant des compétences, j'espère qu'iels auront plus de chances d'en trouver un.
Être nommé.e au Prix du mérite de la FIFPRO signifie beaucoup. Quand j'ai commencé, je pensais que j'étais seul.e. Mais le fait d'être récompensé.e par un prix comme le Prix du mérite montre que je ne le suis pas. Cela me donne du courage. Cela me donne l'espoir qu'au moins quelque chose est fait et que quelqu'un a apprécié ce que je fais.