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Anatole Ngamukol : Les clubs n'ont pas le droit de les harceler les joueurs, il faut qu’ils le sachent 

L'histoire du joueur

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La carrière d'Anatole Ngamukol en tant que footballeur professionnel a pris un tournant dramatique en 2018 lorsque son club d'alors, le Stade de Reims, lui a ordonné de s'entraîner avec la réserve du groupe professionnel. L'attaquant aujourd'hui âgé de 34 ans était en désaccord avec cette décision et a même poursuivi le club en justice. Il a obtenu gain de cause et a créé un précédent juridique, puisque le directeur général du club, Mathieu Lacour, a été condamné pour harcèlement moral.

Pour le syndicat français des joueurs UNFP, l'importance du cas de Ngamukol n'est plus à démontrer. Il constate en effet qu'à chaque période de transfert, plusieurs clubs français tentent de forcer des joueurs à quitter leur club en les excluant de la première équipe et en leur ordonnant de s'entraîner séparément ou avec la réserve du groupe professionnel. Pendant la fenêtre de transfert de janvier, les Girondins de Bordeaux ont par exemple écarté six joueurs. Ceci ne se limite pas aux fenêtres de transfert, puisque Ngamukol avait déjà été mis au ban en mai 2018, à la fin de la saison 2017/2018.  

En France, les équipes ne sont autorisées à séparer des joueurs de leur première équipe que durant l'été, mais cette disposition prend fin le 1er septembre. Le Stade de Reims n'a pas permis à Ngamukol de revenir dans l'équipe après le 1er septembre. Le club a été promu en Ligue 1 et ses dirigeants ont informé Ngamukol qu'ils « ne comptaient plus sur lui ». Ils lui ont conseillé de partir, même si son contrat restait en vigueur pour une autre saison. Ngamukol a décidé de rester.  

« Je me suis dit que je partirais si un autre club de Ligue 1 voulait bien de moi. Mais il n'y en avait pas, hélas », est allé récemment confier Ngamokul à la FIFPRO. « A partir de là, ils ont commencé à me mettre sur la touche, à m'isoler, à me menacer, à m'intimider. Et je me suis retrouvé dans une situation tout à fait inacceptable. » 

À l'époque, Lacour, le directeur général, avait été très clair avec Ngamukol : « Soit vous acceptez de faire partie de l’équipe de réserve, soit nous vous mettons à pied et vous licencions ». Ce que Lacour ne savait pas, c'est que Ngamukol avait enregistré la conversation sur son téléphone, ce qui s'est avéré être une preuve cruciale au tribunal, après que le club l'ait licencié en octobre 2018. Lacour a été condamné pour harcèlement moral envers Ngamukol, et le tribunal du travail a estimé que le Stade de Reims était coupable de licenciement abusif.  

Philippe Piat, le président du syndicat des joueurs UNFP, a qualifié le cas de Ngamukol de précédent pour tous les joueurs en France, affirmant que les clubs doivent désormais réfléchir deux fois avant de se séparer des joueurs. « Les joueurs ont maintenant une nouvelle arme en main dans leurs litiges avec les clubs. »

« Faites-vous entendre »

« C'était très dur, mais en fin de compte, nous avons gagné, et justice a été rendue », évoque Ngamukol avec la FIFPRO, un an exactement après avoir gagné le procès. « Aujourd'hui, grâce à ces décisions, nous pouvons développer le football, le faire avancer. » 

Ngamukol souhaite que davantage de joueurs s'élèvent contre ces pratiques. Il savait que son club violait ses droits et le droit du travail français en général, mais il suppose que de nombreux joueurs ignorent encore leurs droits.  

« Donc, je dirais à beaucoup de joueurs, faites-vous entendre... Vous devez briser le silence. Nous devons parler de cette situation, car certains joueurs sont victimes de harcèlement, mais ne s'en rendent pas compte. Ils ne savent pas ce qu'est le harcèlement, alors ils restent dans leur cocon, et les choses se gâtent peu à peu. » 

Il faut absolument mener des campagnes, sensibiliser les joueurs, les autorités, autant dire tout le monde, afin de faire progresser le football, avant tout. 

Ces dirigeants ne méritent pas de rester plus longtemps dans le football. Ils doivent se retirer, quitter leurs activités... » 

La fermeté de Ngamukol s'explique par les difficultés qu'il a rencontrées. Il a été impliqué dans des procédures judiciaires pendant quatre ans, sa carrière de footballeur professionnel a pris fin (il joue maintenant pour l'équipe de quatrième division Paris 13 Atletico), et mentalement, il a dû faire face à des moments très difficiles.

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Anatole Ngamukol joue pour l'équipe UNFP pour les joueurs hors contrat.

« Le syndicat a été à mes côtés pendant toutes ces procédures. Il m'a aidé, nous nous sommes côtoyés dans toutes ces épreuves, jusqu'à aujourd'hui. Je le remercie ! Cette bataille a été très compliquée à mener. Et puis j'ai dû garder la tête froide jusqu'à aujourd'hui.  

Il ne faut pas s'isoler, car dans mon cas, j'aurais pu basculer. Grâce à mes amis et à ma famille, j'ai réussi à garder les pieds sur terre. Mais quand on parle... de suicide, on perd tout du jour au lendemain, financièrement. Même au sein de la famille, ce peut être très difficile. C'est là que le syndicat intervient...  

Nous devons envoyer un message, un message fort. 

Ce serait bien que les joueurs victimes de harcèlement moral aillent voir les clubs pour qu'ils les entendent, pour leur dire 'regardez, le harcèlement, c'est fini dans le football’. Il faut que ça cesse.  

Ce n'est plus une fatalité ou une question de pouvoir faire ce que l'on veut. Non, ces dirigeants doivent se retirer du football. Cela fait un an aujourd'hui. Je suis très heureux des décisions qui ont été prises et il faut que ça continue. La lutte n'est pas encore terminée ! »