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Jean Baptiste Alliot
Vous avez certainement entendu parler du Metaverse et de la façon dont il pourrait s’imposer comme la prochaine version de l'internet. Pour la plupart des spécialistes, il promet de grandes opportunités commerciales, et ceux qui sont à la tête de cette nouvelle économie pourraient devenir les prochains « GAMAM ». Quoi qu'il en soit, le Metaverse façonnera probablement l'avenir de nombreux secteurs, dont le sport. Pour les organisations sportives et les athlètes, le Metaverse va devenir très concret dans les mois et les années à venir, révolutionnant la façon dont les supporters regardent, consomment, jouent et interagissent avec le sport et les joueurs. Mais d’abord et avant tout :

Qu’est-ce que le Metaverse ? 

Bien que le concept existe déjà depuis trente ans (Neal Stephenson a introduit le « Metaverse » dans son roman Snow Crash, paru en 1992), il a désormais une définition claire : le Metaverse est un réseau d'environnements virtuels toujours actifs qui fournissent des réalités numériques alternatives où les gens peuvent travailler, jouer et se rencontrer. Les technologies qui composent le Metaverse peuvent inclure la réalité virtuelle, la réalité augmentée ainsi que les jeux vidéo ; elles combinent des aspects des mondes numériques et physiques. 

Si l'internet et d'autres technologies numériques ont transformé nos économies et la société en général, le Metaverse pourrait être le signe d'un changement plus profond. Des entreprises comme Nvidia, Unity, Roblox et Facebook sont toutes en train de construire une infrastructure qui changera notre façon de vivre le monde et d'interagir avec les autres.

Qu'est-ce que cela signifie pour les organisations sportives ? 

Alors que les consommateurs et les supporters s'immergent de plus en plus dans les espaces virtuels, les organisations sportives doivent s'adapter à cette évolution pour que leurs marques puissent prospérer dans ce nouveau monde, en particulier si l'on considère les organisations sportives comme des entreprises de médias et de divertissement. Le Metaverse est l'endroit où elles peuvent, avec les joueurs et les partenaires commerciaux, libérer leur imagination virtuelle pour inventer de nouveaux récits et trouver la meilleure façon de les raconter (puis de les rentabiliser). 

Des organisations sportives de premier plan ont déjà adopté ce nouveau mode d'interaction avec les supporters. Manchester City prévoit de construire l'Etihad Stadium dans le Metaverse afin de pouvoir présenter des matches en direct dans un nouvel environnement avec différents aménagements. La Major League Soccer s'est récemment associée à GreenPark Sports pour créer un environnement Metaverse qui favorisera l'engagement des supporters. Le FC Barcelone va bientôt lancer son premier jeton non fongible (NFT), dans le cadre de son projet de création d'un grand centre numérique pour ses supporters. Les clubs pourraient construire davantage de ces environnements virtuels, tels que des centres d'entraînement et des musées, pour permettre aux supporters de rencontrer et d'interagir avec les joueurs au quotidien.

En définitive, les clubs et les ligues peuvent utiliser le Metaverse pour créer de nouveaux droits et une nouvelle propriété intellectuelle, qu'ils peuvent ensuite rentabiliser. Les joueurs ne peuvent pas exploiter seuls certains concours et certaines marques d'entreprise - comme John Terry l'a appris récemment avec Ape Kids Club - mais ils peuvent y être associés et rendre ces initiatives plus puissantes. En fin de compte, à mesure que les clubs et les ligues obtiennent de nouveaux revenus et/ou plus élevés, les joueurs peuvent réclamer leur juste part. Mais il faut mettre pour cela en place les mécanismes adéquats, à commencer par les conventions collectives, comme nous le verrons plus loin.

Et qu'est-ce que cela signifie pour les joueurs ?

Les athlètes devront s'adapter à cette nouvelle révolution comme ils l'ont fait avec son précurseur numérique. Ces dernières années, avec l'essor des plateformes sociales, les athlètes sont devenus des marques à part entière, travaillant aux côtés de leurs clubs et de leurs employeurs pour gérer leur image et en tirer des revenus. Ils ont appris comment la technologie affecte leur image et la réputation de leur marque ; la majorité des joueurs gèrent aujourd'hui leur propre image comme une véritable marque, soit directement eux-mêmes, soit, pour ceux qui en ont les moyens, avec l'aide de professionnels. 

À l'ère du numérique, ces joueurs comptent parmi les plus grands influenceurs des médias sociaux, une tendance qui ne s'arrêtera pas de sitôt. Le Metaverse pourrait leur offrir de nouvelles possibilités d'exploiter encore davantage leur propre marque, en accélérant les tendances actuelles pour s'engager de manière nouvelle et plus originale avec leur communauté. Snoop Dog - oui, Snoop Dog - a montré la voie. Le rappeur n'est peut-être pas connu pour ses talents de footballeur, mais c'est une célébrité qui a une communauté derrière elle, et son projet révèle toutes les possibilités qui s'offrent aux « influenceurs mondiaux ». 

Si l'on considère la manière dont les athlètes peuvent rejoindre un Metaverse, la première étape consiste généralement à créer leur propre avatar (une image numérique parfaite d'eux-mêmes), et éventuellement à lancer leur collection NFT dédiée. Snoop Dog a lancé une collection de 10 000 avatars pixelisés et uniques pour ses fans : The Doggies. Avec 150 attributs et différents degrés de rareté, les avatars offrent aux fans différents niveaux d'expérience et de récompenses. Mais avant même de pénétrer dans ce monde, les joueurs doivent veiller à protéger leurs marques pour les utiliser sur des actifs numériques, comme  l'a fait très récemment LeBron James

La deuxième étape consistera à créer un environnement dans lequel l'avatar pourra vivre virtuellement. Dans le cas de Snoop Dog, tous les Doggies vivent dans le « Snoopverse » sur le Metaverse TheSandbox. Avec ce type d'installation, les athlètes pourraient commencer à offrir aux supporters une toute nouvelle expérience, faite de contenu exclusif et d'interactions uniques. Ils pourraient recréer leur monde actuel et permettre aux supporters d'en faire partie : d'une simple expérience interne, comme un repas, à des activités plus amusantes, comme jouer ou regarder des films. Le Snoopverse accueille les soirées privées de Snoop, les concerts du Metaverse, les inaugurations de la galerie d'art Cozomo, les NFT exclusifs, les Doggie Drops et bien plus encore.

Plus la communauté de joueurs est importante, plus ce type d'innovation est rentable. Mais cela ne veut pas dire qu'elle est inaccessible aux autres : les utilisateurs finaux du Metaverse ne sont pas seulement des supporters mais aussi du personnel technique, des formateurs, des investisseurs, etc. Les joueurs pourraient s'en servir pour mettre en valeur leur talent et leur univers tout en recherchant un soutien financier ou l'attention des recruteurs ; les supporters pourraient acheter des parts de l'image ou de la marque d'un joueur, leur valeur augmentant en fonction de sa popularité. Nous n'en sommes qu'au début et personne ne connaît vraiment tout le potentiel, mais ce qui est sûr, c'est que les joueurs auront plus de liberté pour gérer leur marque, et ce d'une manière authentique, immersive et plus engageante. 

“Les conventions collectives devraient faire partie de la solution, mais jusqu'à ce qu'elles deviennent la norme, les joueurs doivent s'assurer qu'ils participent aux débats”

Quels sont les risques ?

Si les athlètes sont au cœur de cette économie, ils appartiennent à tout un écosystème de clubs, de ligues, de détenteurs de droits, de sociétés de médias, de sponsors et de partenaires commerciaux, qui investissent tous massivement dans le secteur en vue de maximiser leur part de marché et leurs bénéfices. De nouvelles catégories de droits vont apparaître du côté de la radiodiffusion, tandis que le Metaverse ouvre de nouvelles possibilités de parrainage et de concession de licences. Cela dépendra de la capacité de la technologie à recréer le monde physique et ses événements en direct dans une version numérique, notamment en collectant des milliers de points de données auprès des athlètes.

De même que nous assistons aujourd'hui à un débat sur la propriété et la monétisation des données des joueurs, l'écosystème et ses composantes devraient s'unir pour exploiter toutes les nouvelles possibilités. Les conventions collectives devraient faire partie de la solution, mais jusqu'à ce qu'elles deviennent la norme, les joueurs doivent s'assurer qu'ils participent aux débats et qu'ils obtiennent une part équitable de toute nouvelle initiative qui exploite leurs marques commerciales, comme leur marque ou leurs points de données, même s'ils font finalement partie de l'accord commercial d'une autre organisation. 

Mais parallèlement aux nouvelles possibilités d'engagement avec les supporters, les carrières et les réputations sont davantage exposées, ce qui implique de nouveaux risques. Dès qu'une marque, un sponsor ou un club exploite l'avatar d'un joueur, il est vulnérable aux événements qui se déroulent dans l'environnement virtuel et qui, s'ils sont mal préparés ou conçus à des fins non avalisées, peuvent porter gravement atteinte à la marque d'un joueur. Le jumeau numérique d'un joueur est le point de départ d'opportunités mais aussi de risques. La gestion et la supervision seront essentielles - comme elles le sont aujourd'hui pour les médias sociaux. Le problème réside dans le nouveau niveau de complexité, car les expériences deviennent plus immersives, engageantes et personnalisées dans l'environnement virtuel.

Enfin, et ce n'est certainement pas le moins important, la popularité sur le terrain n'offre aucune garantie de succès dans le Metaverse, où la valeur des actifs numériques découle principalement de la communauté dans son ensemble et de la valeur de toute nouvelle expérience. Chaque joueur, quelle que soit sa popularité dans le monde physique, doit se préparer au mieux, ainsi que ses histoires, pour le Metaverse, afin de s'assurer qu'il tire le meilleur parti des nouvelles opportunités et qu'il apporte une véritable communauté grâce à un récit de qualité. 

“Chaque joueur, quelle que soit sa popularité dans le monde physique, doit se préparer au mieux, ainsi que ses histoires, pour le Metaverse”

Perspectives d'avenir

L'avenir semble prometteur pour les organisations sportives, et encore plus pour les joueurs. Les nouveaux mondes numériques sont encore en cours de construction, mais les grandes organisations sportives semblent les avoir déjà adoptés, car les nouvelles générations de supporters sont de moins en moins attirées par l'expérience sportive traditionnelle. 

Si des questions subsistent du côté des joueurs, autour des propriétés des avatars et des droits de propriété intellectuelle de certains objets numériques et marques, il ne fait aucun doute que le Metaverse les rapprochera de leur communauté, développera leur marque et maximisera leurs profits. Ils devront choisir un Metaverse existant, comme SandBox, Decentraland ou Roblox, et commencer à créer leur propre univers grâce à des expériences hors du commun et des partenariats uniques. Par où les athlètes doivent-ils commencer ? Quel Metaverse est le meilleur pour eux ? Les athlètes devront trouver les bons interlocuteurs pour faire les bons choix et tirer parti du nouvel environnement virtuel. Ils devront également trouver les bons partenaires pour faire preuve d'authenticité vis-à-vis de leur communauté - la clé du succès dans ce nouveau monde.

Si les Metaverses sont appelés à devenir les prochaines plateformes de divertissement, le secteur du sport doit y structurer sa présence - pour éviter d'être mis sur la touche par ceux qui les construisent. L'opportunité est claire : le secteur du sport et surtout ses joueurs peuvent devenir de véritables partenaires de la nouvelle économie, en aidant ces plateformes à se développer et à être adoptées en masse. À l'heure où les grandes célébrités et les stars du sport s'engagent sur cette nouvelle voie, veillons à ce qu'elles soient aux commandes et que l'ensemble de l'écosystème bénéficie de leur travail.

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À propos

Jean-Baptiste Alliot

Cofondateur et directeur de la stratégie - LaSource

Jean-Baptiste a exercé de multiples fonctions dans le secteur du sport au cours des dix dernières années. Il a notamment dirigé la stratégie d'innovation au sein de l'UEFA et créé le Centre d'innovation de l'UEFA. Parmi ses responsabilités en tant que directeur de la stratégie chez LaSource, il est désormais chargé d'aider les organisations sportives et les partenaires de LaSource à définir et à mettre en œuvre des stratégies d'innovation ainsi que des collaborations stratégiques pour créer de la valeur et accéder à de nouvelles opportunités commerciales. Enfin, parmi ses nouvelles responsabilités en tant que Directeur du Hub Sport & Santé de Paris&Co, il guide désormais l'innovation stratégique à travers trois plateformes d'innovation dans les domaines du Sport, de la Santé et de la Nutrition.