Conrad Smith : « Tout le monde gagne lorsque les joueurs ont un siège à la table »

Par Conrad Smith

Il n'a jamais été évident que je reviendrais un jour dans le monde du rugby professionnel. Tout au long de ma vie, j'ai toujours été curieux d'essayer de nouvelles choses ou de commencer un nouveau projet. Mais la vérité est que, depuis mes premiers jours en tant que joueur, j'ai toujours apprécié le travail de nos représentants - se battre avec les instances dirigeantes, défendre nos intérêts, négocier jour et nuit pour parvenir à une nouvelle convention collective - et j'ai probablement fait appel à mon expérience juridique en tant qu'avocat de formation. Vous jouez dur, mais vous jouez juste.

Aujourd'hui, je suis fier d'être le chef des opérations de rugby de l'International Rugby Players (IRP). Nous représentons les joueurs professionnels dans le monde entier, en soutenant leur bien-être et en les unissant autour d'opportunités et de préoccupations communes.

Nous comprenons également l'intérêt de travailler avec les associations de joueurs dans d'autres sports. En fait, nous avons récemment invité la FIFPRO à présenter Player IQ et ses recherches sur la charge de travail des footballeurs lors de la conférence médicale annuelle de World Rugby. Dans le courant du mois, nous participerons au Sommet mondial de la santé et de la sécurité des associations de joueurs, qui réunit des associations de joueurs du monde entier - football, cricket, tennis, NBA, NFL - afin de partager des recherches et des informations sur leur travail.

Mon travail se concentre sur la performance sportive des joueurs, en les aidant à gérer une charge de travail de plus en plus importante et la manière dont elle affecte leur santé physique et mentale. Nos joueurs sont confrontés à des défis de plus en plus complexes à mesure que leur sport évolue et que leurs performances atteignent de nouveaux sommets.

Si je regarde comment nous parlons du bien-être des joueurs aujourd'hui et essayons de trouver des solutions pratiques qui fonctionnent pour les joueurs et leurs équipes, je crois vraiment que le rugby professionnel montre la voie à bien des égards.

Le progrès commence par une représentation adéquate. Avec mes collègues de l'IRP, nous siégeons dans pratiquement tous les groupes de travail et comités dirigés par World Rugby, notre instance dirigeante mondiale. Cela inclut les comités de haute performance pour les hommes, les femmes et le seven-a-side, ainsi que le groupe de travail sur les commotions cérébrales et le groupe de projet sur la charge des joueurs, pour n'en citer que quelques-uns.

Notre dialogue avec World Rugby est vital. Lorsque nous sommes assis à la table, les joueurs peuvent s'exprimer. Et lorsque les joueurs participent à la conversation, nous trouvons des solutions qui fonctionnent.

Les conversations ne sont pas toujours faciles. Il y a dix ans, World Rugby et les représentants des joueurs ont entamé une conversation difficile qui a finalement abouti aux directives sur le bien-être des joueurs, devenues depuis lors une référence critique et respectée.

En 2019, lorsque World Rugby cherchait à étendre ses compétitions internationales et proposait la première version de la Coupe des Nations, les joueurs ont certes vu les opportunités professionnelles, mais ils ont aussi compris les risques. Ils ont exigé à juste titre une plus grande consultation.

Les joueurs avaient une position claire : si nous sommes confrontés à un plus grand nombre de matches - et à un risque accru de blessures, notamment de commotions cérébrales et de leurs éventuelles conséquences à long terme - nous avons besoin de garanties universelles pour protéger tous les joueurs. Nous avons besoin de lignes directrices claires en matière de repos, de récupération et de rééducation.

Avec le recul, je pense que tous ceux qui se sont assis autour de la table pour rédiger ce qui allait devenir les directives sur le bien-être des joueurs peuvent être fiers de leur travail. Lorsque les joueurs obtiennent leur droit à un lieu de travail sûr et sain, c'est tout le sport qui en bénéficie. Les joueurs et leurs équipes atteignent des niveaux plus élevés, les tournois deviennent plus compétitifs, les supporters ressentent plus d'enthousiasme et le rugby attire un public mondial plus large.

Je suis convaincu que nous pouvons faire des progrès similaires dans le domaine des commotions cérébrales. Après des années d'expérimentation, nous avons mis au point une génération de protège-dents instrumentés qui mesurent chaque impact et chaque collision subis par un joueur. Placés à proximité du cerveau, les nouveaux modèles fournissent un volume et une qualité de données sans précédent, ce qui contribue à la sécurité des joueurs.

Les données montrent comment chaque joueur, homme ou femme, réagit différemment à l'impact physique. Elles nous permettent d'analyser si le mouvement et la technique d'un joueur peuvent mieux absorber une collision, ou si la force musculaire et la condition physique jouent un rôle plus important.

La granularité même des données, une image tridimensionnelle à haute résolution de chaque seconde de l'expérience d'un joueur, peut améliorer les niveaux de sécurité dans l'ensemble du sport. Elle nous permet de gérer les événements d'accélération de la tête qui peuvent causer des blessures, depuis le moment précis d'un tacle haut dangereux jusqu'à une charge de travail excessive sur une période prolongée.

Lorsque j'envisage l'avenir de notre sport, les progrès que nous avons réalisés dans le domaine du bien-être des joueurs - de plus en plus avec l'aide de la technologie - me remplissent d'optimisme.

Mieux nous protégerons nos joueurs, plus nous pourrons nous concentrer sur les aspects brillants et magnifiques de notre sport : la camaraderie entre les joueurs, le respect qui règne dans un sport aussi physique, et la façon dont ce même esprit imprègne le stade, où les supporters s'étreignent et se serrent la main à la fin d'un match difficile, qu'il soit gagné ou perdu.

C'est le jeu que j'ai toujours aimé. C'est pourquoi notre travail est important.